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poesies: [
{
auteur: "FM®",
titre: "Statuaire",
txt: ["<p></p><p></p><p>Là, sur ses lèvres aux saveurs impudiques,</p><p>Je goûte son souffle aux accents faméliques.</p><p>Là, de l’avers de ma main, empreint d’indécence,</p><p>Je frôle sa peau qui, lasse de réticence, </p><p>Me revient fardée d’un masque d’impudence</p><p>Qui se donne, en une offrande gorgée d’éloquence.</p><p>Là, mon regard jouisseur s’enivre de la caresse</p><p>De son sublime, qui m’assaille et me presse,</p><p>Là à façonner, là à modeler sa chair,</p><p>Statuaire.</p>"]
}, {
auteur: "FM®",
titre: "Brumes",
txt: ["<p></p><p></p><p>Là, je laisse s’écouler lentement de mes lèvres,</p><p>Quelques mots enivrants dont les volutes orfèvres</p><p>Viennent ciseler en arabesques volatiles,</p><p>Sa peau, offerte à mon désir volubile.</p><p>Et sa gorge nue de me souffler une prière</p><p>Afin que le verbe, enfin, redevienne matière, </p><p>Qu’il puisse, après son âme, venir caresser sa chair</p><p>Ainsi qu’une patine sous les mains du Statuaire.</p><p>Puis elle s’abandonne à mon dire envahissant</p><p>Qui, par trop frôler son être, la consume,</p><p>Pour la livrer à mes fantasmes inconsistants,</p><p>Brumes…</p>"]
}, {
auteur: "FM®",
titre: "Rêve",
txt: ["<p></p><p></p><p>Là, lorsque mes iris abandonnent à mon âme,</p><p>L’effigie au sublime qui consume et enflamme,</p><p>Mon esprit s’immisce, éthéré, onirique, </p><p>Au sein de tes méandres aux saveurs chimériques.</p><p>Là, aux abords de ton gouffre, je laisse s’abîmer</p><p>Mon désir qui, à ta fontaine, vient s’abreuver,</p><p>Pour enfin se perdre au tréfonds abyssal</p><p>De ta propre soif, implorant la paradoxale </p><p>Caresse, enivrante torture qui n’accorde de trêve,</p><p>Rêve.</p>"]
}, {
auteur: "FM®",
titre: "Une nuit, la liberté",
txt: ["<p></p><p></p><p>Vois la lumière du jour naissant</p><p> Nourrir la pénombre du souvenir.</p><p> Sens le vent à ta figure d’enfant</p><p>Et aux murs de tes geôles agonir.</p><p>Insaisissable comme l’eau ruisselant</p><p>Entre mes doigts, s’employant à saisir</p><p>Sans contraindre, à enserrer sans détenir,</p><p>Dans une étreinte douce, émoussant</p><p>Les séquestres de tes peurs à venir,</p><p>Te voilà prisonnière à présent</p><p>De mes bras, semblables à un carcan</p><p>Au sein duquel tu capitules sans appartenir.</p>"]
}, {
auteur: "FM®",
titre: "L'éveil",
txt: ["<p></p><p></p><p>Au sortir d’une nuit froissée par trop d’agitations cérébrales,</p><p>Au final cauchemar célébré tel une ivresse bacchanale,</p><p>Mon esprit brisé, s'éparpille en mille éclats de cristal.</p><p>Et voilà qu'entre mes doigts s'effrite et roule l'illégal</p><p>En substances libératrices, m'invitant au voyage du Nagual.</p><p>La virée qui s'annonçait douce se montre soudainement brutale,</p><p>Et mon âme de s'abimer inlassablement aux cloisons dédales</p><p>De mon être domestiqué, livré aux ravages de la vindicte vandale.</p><p>Retombant en déchu au cœur de mon effervescence mentale,</p><p>Me voilà face à mon autre, et sens mon corps qui s'emballe,</p><p>Malmené comme Rimbaud lors d'une de ses ivresses navales.</p><p>J'encaisse les soubresauts grâce aux toxiques que j'inhale</p><p>Puis expire en nuages informes, aux blancheurs virginales.</p><p>Rassasié d'illusoire, je reprends la quête de mon Moi Graal,</p><p>Tel un guerrier toltèque bravant les vérités subliminales.</p><p>Libéré de mon rêve, je vomis maux et peurs ancestrales,</p><p>Pour m'emplir de visions salvatrices aux saveurs ayahuascales,</p><p>Offrant mon être au regard chamane, aux perceptions abyssales,</p><p>Nahual.</p>"]
},
{
auteur: "FM®",
titre: "L\'ange",
txt: ["<p></p><p></p><p>Là, au terme d’une nuit funeste, vomissant mes douleurs,</p><p>Lorsque le jour naissant m’offrait ses premières lueurs,</p><p>Mon âme, pourtant vaincue, fut arrachée au Fossoyeur</p><p>Par mon ange Gabriel et son verbe annonciateur.</p><p>Là, à l’oreille de mon esprit, ma Belle à l’aura biblique</p><p>Me lança ces quelques mots aux accents angéliques :</p><p>« Je suis femme de peu de foi, mais en toi, je crois.</p><p> Accueille mon être en ton sein, toi qui seul me voit ».</p><p>Et moi, de lui ouvrir ma cage, offrant mon intérieur,</p><p>Me conduisit jusqu’à son gouffre, glissant à ses moiteurs</p><p>Pour tomber au fond du mien, l’entrainant avec moi</p><p>Dans mon fantasme délirant empreint de désarroi.</p><p>Et moi, l’animal, le Bonoboo au langage signé,</p><p>Caressais la Belle de mes mots, espérant apprivoiser</p><p> La petite apeurée par ma plume phalange,</p><p>L’Ange.</p>"]
},
{
auteur: "FM®",
titre: "La bête au sang froid",
txt: ["<p></p><p></p><p>Le venin de ta peau brûle mes espoirs</p><p>Au feu de la géhenne où se perd ma mémoire.</p><p>Une fois encore, comme une offrande et sans effroi,</p><p>Je me livre aux morsures de la bête au sang froid.</p><p>Tes saveurs toxiques, hier encore en songes,</p><p>Offrent à mes amnésies la douceur du mensonge,</p><p>Lorsque la tentation fait de moi la proie</p><p>Des louanges feintes de la bête au sang froid.</p><p>Au fruit défendu, chancre de mes blessures,</p><p>J'offrirai une fois de plus les traces de la luxure,</p><p>Abandonnant ma foi aux desseins sournois</p><p>Du salace louvoyant de la bête au sang froid.</p><p>Au petit matin, lorsque du fruit il ne restera rien,</p><p>Mon âme, abandonnée aux stigmates du venin,</p><p>S'abimera au gouffre de mon désarroi,</p><p>Pleurant l'absence de la bête au sang froid.</p>"]
},
{
auteur: "FM®",
titre: "Cantique",
txt: ["<p></p><p></p><p>Sa gorge me susurra un soupir cantique,</p><p> Lorsque ma bouche se perdit en pratiques hérétiques.</p><p>Liturgie salace, ses oraisons étouffées</p><p>Nourrirent mon ouïe sans pour autant la rassasier.</p><p>Je me fit Rodin, afin de sculpter la chair</p><p>De son corps qui à ma couche gisait offert.</p><p>J'entends encore ses prières, quête d'absolution,</p><p>Brûlantes et douces confessions qui la livrèrent</p><p>Aux affres délicieusement malignes de ma perversion,</p><p>Moi, qui de l'Ange déchu avait goûté l'amer.</p>"]
},
{
auteur: "FM®",
titre: "Offrande",
txt: ["<p></p><p></p><p>A ma supplique elle me lança un \" ouïs \",</p><p>Laissant choir l'impudique aux affres de l'oubli.</p><p>Me tendant en offrande des mots dont on ne se lasse,</p><p>Elle m'entraîna au cœur de son tourbillon salace.</p><p>A nouveau je portai mes lèvres au calice</p><p>De mes enivrantes vapeurs éthyliques,</p><p>Me délectant des brûlures du supplice,</p><p>Mon cauchemardesque se fit plaisir onirique.</p><p>De ses lèvres rouges sang suintait le vice,</p><p>Indécente, de ses désirs elle me fit l'esquisse,</p><p>Et moi, de boire le calice jusqu'à son lit</p><p>Traversa mon esprit, épris de Sade, le marquis.</p><p>Elle se fit Juliette, vomissant sa vertu</p><p>En quelques mots bilieux, exorcisant l'ingénue</p><p>De Justine, pour que de sa bile malheur cesse,</p><p>Et que du stupre elle puisse sentir la caresse.</p><p>Et moi, à sa source amère je m'abreuvais,</p><p>Tant de ses plaisirs offerts j'étais assoiffés.</p><p>Et ma raison de s'abîmer dans les méandres salis</p><p>De son regard feu, la consumant jusqu'à folie</p><p>Dans une éteinte fantasme qui déchira mon être</p><p>Qui de cure, n'avait d'autre d'elle que de se repaître.</p><p>Et lorsqu'à l'amante famélique j'allais déclarer ma flamme,</p><p>La mante carmélite m'avoua se délecter des femmes.</p>"]
},
{
auteur: "FM®",
titre: "Requiem",
txt: ["<p></p><p></p><p>Ses iris esseulés dans son abysse solitaire,</p><p>Me susurrent sans cesse sa souffrance souvenir.</p><p>Sans ciller, elle s'est faite sacrifice solitaire,</p><p>Mon sacerdoce salace n'ayant su que la salir.</p><p></p><p>De la saignée, elle laisse s'écouler mon sang scélérat,</p><p>Mais sent son sans s'épuiser de mon sang qui s'en va.</p><p></p><p>Dans son abysse saumâtre aux allures solitaires,</p><p>Ses iris sagaces saisissent l'absence insensée</p><p>De son sentiment, insalubre sacrifice salutaire</p><p>De celui qui en son sein, veut son souvenir censurer.<p></p><p>De la saignée, elle laisse s'écouler son sang assassin,</p><p>Mais sans mon sang salubre, elle sent sa vie qui s'éteint.<p></p><p>Salis par ses songes souvenirs, ses iris ascétiques</p><p>S'abîment dans la solitude insensée de son abysse,</p><p>Et me lancent sans cesse d'insaisissables suppliques,</p><p>L'expression de son désir qu'enfin cesse le supplice.</p><p></p><p>De la saignée, elle laisse s'écouler son sans incertain,</p><p>Saisissant sans doute que mon sans doit s'emplir de sien.</p>"]
},
{
auteur: "FM®",
titre: 'Hasard',
txt: ["<p></p><p></p><p>Voilà que je te vois, ma muse,</p><p>Céder à l'inconséquence du hasard</p><p>Qui fourvoie, aveugle et abuse,</p><p>À l’orée des chemins qui séparent.</p><p></p><p>Et bien qu'au temps, ton souvenir s'use,</p><p>Qu'à la famine, tu y perdes goût,</p><p>Offre à tes appétences recluses</p><p>La délivrance de ton joug.</p><p></p><p>Et s'il n'est point de hasard,</p><p>Mais seulement des rendez-vous,</p><p>Au bout de la plume d'Eluard</p><p>Se dessine notre Nous.</p>"]
},
{
auteur: "FM®",
titre: 'J\'écris ton nom',
txt: ["<p></p><p></p><p>Lorsque seront mêlés au sang</p><p>Qui court dans tes veines,</p><p>Les vestiges désolants</p><p>De tes passions païennes,</p><p></p><p>Iras-tu écrire mon nom ?</p><p></p><p>Lorsqu'en offrande à l'amnésie</p><p>Tu auras livré ton corps,</p><p>Afin que tombent dans l'oubli</p><p>Les stigmates du désaccord,</p><p></p><p>Pourras-tu écrire mon nom ?</p><p></p><p>Lorsque ton autre aura eu raison</p><p>De ta voie comme de ton être,</p><p>Inexorablement soumis au poison</p><p>Du mensonge et du paraître,</p><p></p><p>Sauras-tu écrire mon nom ?</p><p></p><p>Et lorsque tu ne seras plus guidée</p><p>Que par tes peurs, qui auront eu raison</p><p>De tes appétences, en quête d'une liberté</p><p>Perdue en labyrinthes abscons,</p><p></p><p>Te souviendras-tu de mon nom ?</p>"]
},
{
auteur: "FM®",
titre: 'Succube',
txt: ["<p></p><p></p><p>Lorsque épuisé je m'abandonne à l'onirique,</p><p>Que mon âme s'abîme au feu de mes entrailles,</p><p>Je sens, des morsures de mon succube angélique</p><p>S'écouler la douleur qui me caresse et m'assaille.</p><p>Déchire mon âme, doux Démon, je t'en supplie,</p><p>Que de mon ventre tu arraches un dernier cri,</p><p>Un râle mortuaire, pour qu'agonie enfin cesse,</p><p>Et que de ma dépouille, tes ardeurs se repaissent.</p><p>Ouvre mon ventre afin d'en arracher la vie,</p><p>Que le supplice, à son terme, m'offre l'oubli,</p><p>Pour que seul mon âme cadavre tu n'harangues,</p><p>D'une morsure impure laisse moi exsangue.</p><p>Nourris-toi de ma mort, funèbre nécrophage,</p><p>Toi qui ne sèmes pour récolter au sillage</p><p>Qu'un silence amer où se cachent tes maux,</p><p>Taciturne Cerbère à ton verbe dévot.</p>"]
},
{
auteur: "FM®",
titre: 'Amours initiatiques',
txt: ["<p></p><p></p><p>Là, sous l'étoffe linceul</p><p>De ma petite connasse,</p><p>Louvoient les attentes puzzles</p><p>De mon désir tenace.</p><p></p><p>La petite gueuse se dévoile,</p><p>Et balance à mon regard miroir,</p><p>Les impudences abyssales</p><p>De ses territoires ivoires.</p><p></p><p>Et voilà que ma diablesse m'inonde</p><p>De ses audaces mises à nu,</p><p>De ses douceurs profondes,</p><p>De ses terres inconnues.</p><p></p><p>Enfin, offerte avec délice</p><p>À mes pupilles argentiques,</p><p>Les images glissent puis s'immiscent</p><p>Aux cœur de mes amours initiatiques.</p>"]
},
{
auteur: "FM®",
titre: 'Rien de plus...',
txt: ["<p></p><p></p><p>Ton amour insolite,</p><p>Ta bienveillance érudite,</p><p>Ta peau ébonite</p><p>Et tes petits seins qui s'agitent,</p><p></p><p>Je ne veux rien de plus.</p><p></p><p>Effleurer tes limites,</p><p>Tes humeurs aphrodites,</p><p>Ouvrir tes portes interdites</p><p>pour goûter tes saveurs illicites,</p><p></p><p>Je ne veux rien de plus.</p><p></p><p>Ton animalité prosélyte,</p><p>Tes douceurs inédites,</p><p>Tes sonorités conduites</p><p>Vers mes mélodies explicites,</p><p></p><p>Je ne veux rien de plus.</p><p></p><p>De ce si précieux Opus,</p><p>Au secret de ton jardin,</p><p>Je ne veux rien de plus,</p><p>Je ne veux rien de moins.</p>"]
},
{
auteur: "FM®",
titre: 'Pierres',
txt: ["<p></p><p></p><p>J'ai fait de toi ma terre</p><p>Aux espoirs fertiles,</p><p>De ton être, le dépositaire</p><p>D'une précieuse idylle.</p><p>De cantiques en cantiques,</p><p>De sagesses en béatitudes,</p><p>Mon amour extatique</p><p>Nourrit notre complétude.</p><p>J'ai fait de toi ma source,</p><p>Mon point d'eau intérieur,</p><p>Où viennent sombrer les ressources</p><p>De mes faiblesses et de mes peurs.</p><p>J'ai fait de toi mon foyer,</p><p>Le feu qui embrase mes désirs</p><p>Jusqu'à me consumer,</p><p>Me prendre, m'envahir.</p><p>J'ai fait de toi mon souffle,</p><p>Mon alizé porteur d'avenir,</p><p>La tempête où se camoufle</p><p>Les douceurs du souvenir.</p><p>J'ai fait de toi mes fondations,</p><p>Pierre sur lequel j'ai bâti mon église,</p><p>Ma foi sémaphore, mes horizons,</p><p>Mon chemin, ma voie conquise.</p>"]
},
{
auteur: "FM®",
titre: 'Le baiser',
txt: ["<p></p><p></p><p>D’abord, de la pulpe de mes lèvres païennes,</p><p>J’irai déposer, à la commissure des tiennes,</p><p>La promesse d’un éveil, d’un feu réanimé,</p><p>Souvenir d’une caresse aux douceurs désirées.</p><p>Puis, poursuivant mon chemin vers ton sensible,</p><p>J’irai nourrir ma gourmandise à ta nuque,</p><p>Où, à tes frémissements, d’abord imperceptibles,</p><p>J’offrirai les marques de mes humidités caduques.</p><p>Enfin, revenant à ta bouche, j’irai mêler au tien</p><p>Mon souffle, comme une alliance aux accents faustiens</p><p>M’invitant à gouter à ses saveurs diablesses,</p><p>Brulantes comme la morsure d’une épice arabesse.</p><p>Là, parcourant le dessin de tes lèvres offertes,</p><p>Invitant ma langue à poursuivre la découverte,</p><p>J’emprisonnerai ton carmin charnu entre les miennes,</p><p>Me délectant de ses succulences au parfum d’Eden.</p><p>Puis, glissant en toi, j’irai investir ton être,</p><p>A la recherche de l’émoi qui saura repaître</p><p>Ton désir, appétit que j’aurai su rassasier,</p><p>Par un baiser…</p>"]
},
{
auteur: "FM®",
titre: 'Viens',
txt: ["<p></p><p></p><p>Viens ma muse, et souffle à mon oreille famélique,</p><p>La mélodie lascive de tes chants érotiques.</p><p>Viens ma belle, et offre à mes silences pathétiques,</p><p>Les arias salaces de tes soupirs harmoniques</p><p>Lorsque, livré à mes promesses épidermiques,</p><p>Ton corps s'éveille à mes desseins machiavéliques.</p><p>Viens petite, et réponds à mes audaces saphiques</p><p>Par tes gémissements aux accents diaboliques</p><p>Lorsque, soumises à mes errances anatomiques,</p><p>Tes chairs s’abandonnent à mes plaisirs fatidiques.</p><p>Viens diablesse, et inonde mes ardeurs syllabiques</p><p>De tes cris, déversés en torrents extatiques</p><p>Lorsque, au seuil de tes reins, mes assauts chimériques,</p><p>Entraînent tes élans en mélopées orgasmiques.</p><p>Viens…</p>"]
},
{
auteur: "FM®",
titre: 'Lentement',
txt: ["<p></p><p></p><p>Bercé par la mélodie lascive de son souffle lancinant</p><p>Qui enivre mes sens et m’incite, impertinent,</p><p>A larguer les amarres, je vogue à vue sur sa chair</p><p>Aux senteurs exquises de lys et d'orange amère.</p><p>Son bassin danse, et, en une transe alanguie,</p><p>Accueille la vague naissante qui soudain envahit</p><p>Son corps, sur lequel je vois perler, iridescentes,</p><p>Les moiteurs intimes de ses attentes indécentes.</p><p>Un soubresaut presqu’épileptique la fait vaciller,</p><p>Lorsque mes phalanges dévoyées viennent à célébrer</p><p>Les venelles faméliques de sa sensualité irriguée,</p><p>M’invitant à me jeter au fond de son gouffre assoiffé.</p><p>N’y tenant plus, voilà que d’un élan soulignant ses cambrures,</p><p>Elle provoque ma chute, puis exhale en un murmure,</p><p> Quelques syllabes imperceptibles aux accents suppliants,</p><p>Lentement…</p>"]
},
{
auteur: "FM®",
titre: 'Abandon',
txt: ["<p></p><p></p><p>De mon âme affamée de liberté,</p><p>De mes chairs insatiables et passionnées,</p><p>De mon tout, de mon rien, de tout mon être,</p><p>Nourris mes suppliques et deviens mon maître.</p><p></p><p>Contrains mon désir, jusqu'à le soumettre</p><p>À ton seul vouloir, qui seul en moi sait faire naître</p><p>Les saveurs du vice dont j'aime me repaître,</p><p>Lorsque de mes appétences tu deviens le maître.</p><p></p><p>À ton feu, je forgerai mes propres chaînes,</p><p>À ton rouet je filerai mes entraves sadiennes,</p><p>J'abandonnerai mon âme, mon tout, mon être,</p><p>Pour que de mes sens tu deviennes le maître.</p><p></p><p>Je te serai offerte, esclave et soumise,</p><p>Je ferai de ton chemin ma voie conquise,</p><p>Tant que tu sauras, à mon cœur sourd,</p><p>Offrir les mélodies de mon propre amour.</p><p></p><p>De mon âme affamée de liberté,</p><p>De mes chairs insatiables et passionnées,</p><p>De mon tout, de mon rien, de tout mon être,</p><p>Révèle-moi encore et deviens mon maître.</p>"]
},
{
auteur: "FM®",
titre: 'Jusqu\'au sang',
txt: ["<p></p><p></p><p>Lorsque son âme erre aux portes de ses songes</p><p>Aux souvenirs amers de trop nombreux mensonges,</p><p>Son corps brûle aux mémoires stigmates des caresses</p><p>Souillant sa peau qui, de fuir, n'avait de cesse.</p><p>Au sortir de ces nuits aux angoisses matinales,</p><p>Elle hurle ses silences aux mélopées lacrymales</p><p>Face aux cécités de ses miroirs sans reflets,</p><p>Qui nourrissent ses failles et écorchent ses plaies.</p><p>Elle ne sait offrir, à mes regards inquisiteurs,</p><p>Que le simulacre d'un corps fardé de pudeurs</p><p>Qui se dérobe et se mure, à l'aulne des ses peurs,</p><p>Dans un silence immuable délivrant ses froideurs.</p><p>Aux mains tendues comme aux mots qui révèlent,</p><p>Elle se refuse, et, dans un élan sacrificiel,</p><p>Abîme son être à ses remparts élevés</p><p>Comme autant de séquestres à son âme abusée.</p><p>Elle ne sait offrir, à mes regards indiscrets,</p><p>Que ses portes closes sur son intimité,</p><p>Auxquelles viennent se heurter, inexorablement,</p><p>Mes phalanges, dussent-elles y frapper jusqu'au sang.</p>"]
},
{
auteur: "FM®",
titre: 'La corde',
txt: ["<p></p><p></p><p>Atrocement douce et délicieusement mordante,</p><p>Tu lies mon vice aux chairs nues de mon amante.</p><p>Ma fidèle complice, ma volupté décadente,</p><p>Qui offre à mes désirs les postures impudentes</p><p>De son corps contraint au salace de mes attentes,</p><p>Louvoyant au gré de ses splendeurs ardentes.</p><p>Là, aux détours de ses poignets que tu enserres,</p><p>Là, caressant ses chevilles retenues prisonnières,</p><p>Là, soulignant les courbes de ses cuisses estuaires, </p><p>Là, révélant l’ineffable de sa nuque syllabaire.</p><p>Ma fidèle complice, ma volupté décadente,</p><p>Qui offre à mes regards ses postures indécentes,</p><p>Objet de ses plaisirs, dépourvue de miséricorde,</p><p>La corde.</p>"]
},
{
auteur: "FM®",
titre: 'Absence',
txt: ["<p></p><p></p><p>Là, sous la pulpe caressante de mes doigts avides,</p><p>Sa peau, d’abord évanescente, a laissé place au vide.</p><p>Là, mes lèvres, en quête de gourmandise, s’égarent,</p><p>Perdues parmi les volutes de son corps brouillard.</p><p>Là, les douceurs suaves de ses mots susurrés,</p><p>Se dissipent jusqu’au morbide d’un silence figé.</p><p>Là, l’ivresse aux effluves sublimes de son parfum</p><p>Qui nourrissait mon être jusqu’à l’inopportun,</p><p>A laissé place aux fadeurs de sa déliquescence,</p><p>Absence.</p>"]
},
{
auteur: "FM®",
titre: 'Variations sur Léna',
txt: ["<p></p><p></p><p>Léna aime sentir ses sens </p><p>Sollicités par ses excès.</p><p>Quand la petite suit l’indécence</p><p>Dessinée par sa sensualité,</p><p>Les succubes invoqués dansent</p><p>Et s’emparent de sont corps assoiffé.</p><p>La caresse, comme une transe,</p><p>De ses amants sublimés,</p><p>L’invite à la décadence</p><p>De ces petits jeux dévoyés.</p><p>Léna aime sentir ses sens</p><p>Sollicités sans autre avis.</p><p>Et la petite, sans réticence,</p><p>Offre au feu inassouvi</p><p>De ses sensuelles appétences,</p><p>L’ardeur d’une douceur sans sursis.</p><p>Léna aime sentir ses sens</p><p>Sollicités par une main</p><p>Dont la cruelle et cinglante absence,</p><p>Laisse pourtant aux courbes de ses reins,</p><p>Une empreinte dont l’incandescence</p><p>Rougit la carnation de son teint.</p><p>Léna aime sentir ses sens</p><p>Sollicités jusqu’au supplice.</p><p>Lorsque sans défaillance,</p><p>Ses doigts s’enfoncent et glissent</p><p>Jusqu'au cœur de ses déliquescences,</p><p>Pour qu’enfin explose et jaillisse</p><p>L’expression de ses jouissances,</p><p>Là, où la petite, plongée dans ses abysses,</p><p>Dérive, loin de toute innocence.</p><p>Léna aime sentir ses sens</p><p>Sollicités par ses fantasmes</p><p>Qui, imprimant la cadence</p><p>A l’orée de ses spasmes,</p><p>Délivre l’effervescence </p><p>De ses innombrables orgasmes.</p>"]
},
{
auteur: "FM®",
titre: 'Au bout de la nuit',
txt: ["<p></p><p></p><p>Là, le souffle brûlant de l'ennui qui meurtrit</p><p>Et caresse l'épiderme de mes nuits.</p><p>Là, le vertige de tes silences épistolaires</p><p>Où vacillent mes espérances solitaires.</p><p>Là, l'ombre froide, larvée à mes tréfonds,</p><p>M'invite au gouffre où s'effondre ma raison.</p><p>D'abord, la danse satyre des mots en bacchanale,</p><p>Célèbre les effluves aux floraisons du mal.</p><p>Je perds mon souffle à l'âcreté de ces pollens</p><p>Qui assaillent de mon âme dans une envolée sadienne.</p><p>Là, le souffre déchu de l'ange à l'agonie,</p><p>Déchaîne les impatiences de ma peau hérésie.</p><p>Et mon voyage mû par ses fins nécrophages,</p><p>Se repaît de mes errances à jamais sans partage.</p><p>Afin que rien ne puisse entamer mon insomnie,</p><p>Que l'absurde me conduise jusqu'au bout de la nuit,</p><p>J'abandonne à Baudelaire les maux empreints de spleen</p><p>Pour enfin me noyer dans les eaux troubles de Céline.</p>"]
},
{
auteur: "FM®",
titre: 'Le deuil',
txt: ["<p></p><p></p><p>Par dessus les eaux sombres,</p><p>Vois, je te tends la main,</p><p>Lorsque déjà les ombres</p><p>Font de toi leur festin.</p><p>Entends-tu, depuis l'autre rive,</p><p>Résonner par dessus le Styx,</p><p>Comme un hymne à la dérive,</p><p>Mes oraisons si prolixes ?</p><p>Quand bien même je sais devoir,</p><p>Vois comme je ne peux,</p><p>M'abandonner à d'autres espoirs,</p><p>En te livrant mes adieux.</p><p>Mon âme, aux voiles déchirées,</p><p>Ne cesse de sombrer à l'écueil</p><p>De ton spectre décharné,</p><p>De ton tombeau, dont je foule le seuil,</p><p>De ton souvenir à qui je ne puis accorder</p><p>La possibilité d'un deuil.</p>"]
},
{
auteur: "FM®",
titre: 'Ailleurs',
txt: ["<p></p><p></p><p>Vois mon désir,</p><p>Pareil à un sherpa,</p><p>Charrier et se saisir</p><p>De ce que tu ne m'offres pas.</p><p></p><p>Vois l'ardeur de ce corps</p><p>Auquel tu te refuses,</p><p>S’enflammer ce soir encore,</p><p>A l’aulne de mes chairs percluses.</p><p></p><p>Vois la soif de mes sens,</p><p>S'abîmer aux souvenirs</p><p>D'une intime indécence,</p><p>Condamnée à agonir.</p><p></p><p>Vois ma liberté,</p><p>Lasse de tes froideurs,</p><p>S'apprêter à s'envoler,</p><p>Ailleurs.</p>"]
},
{
auteur: "FM®",
titre: 'Le Pardon',
txt: ["<p></p><p></p><p>Là, entre ces murs solitaires,</p><p>Mon antre, mon monastère,</p><p>Résonnent en litanie</p><p>Les affres de ma nostalgie.</p><p>Cette saveur, ce souvenir amer,</p><p>Aussi ténu qu'éphémère,</p><p>Arrache à mon âme un cri</p><p>Qui s'écoule et ne tarit.</p><p></p><p>Et te voilà, livrée à mon être,</p><p>Mon autre, mon âme sœur,</p><p>Illuminant mes noirceurs</p><p>Jusqu'à les soumettre,</p><p>M'initiant aux douceurs,</p><p>À l'incommensurable don,</p><p>Qui affranchit des rancœurs,</p><p>Le pardon.</p>"]
},
{
auteur: "FM®",
titre: 'Singeries',
txt: ["<p></p><p></p><p>Au gré des errances </p><p>De mes iris,</p><p>Confronté aux semblances</p><p>De mon autre Narcisse,</p><p>Dans ce jeu de miroirs</p><p>Où mon être pétrifié</p><p>Conduit à émouvoir</p><p>Ma raison égarée,</p><p>Je me vois.</p><p></p><p>Que s'usent mes rétines</p><p>Jusqu'à l'ivresse,</p><p>Au fil de tes patines</p><p>Dont je sens les caresses,</p><p>Révélant tes empreintes,</p><p>Façonnant mon corps de glaise</p><p>Abandonné à tes étreintes,</p><p>De l'informe à la genèse,</p><p>Je te vois.</p>"]
},
{
auteur: "FM®",
titre: 'Danse',
txt: ["<p></p><p></p><p>Voilà qu'elle entre dans ma danse</p><p>Aux impudences mélodiques,</p><p>Susurrant quelques outrances</p><p>Aux sonorités érotiques.</p><p></p><p>Sa féminité famélique,</p><p>Sa liberté, sans nuance,</p><p>Appelle son désir vampirique</p><p>À nourrir ses appétences.</p><p></p><p>Ses aubades, d'abord lascives,</p><p>Mettent à mal mes impatiences</p><p>Et mes soifs impulsives,</p><p>Avides de décadence.</p><p></p><p>Puis, bouleversant la rythmique</p><p>De ses chorégraphies diablesses,</p><p>Elle attise, de sa fièvre épidémique,</p><p>Le feu de mes luxures pécheresses.</p><p></p><p>Là, je la vois mener ma danse</p><p>Aux impudences mélodiques,</p><p>Imposant dès lors les cadences</p><p>De mes sonorités érotiques.</p>"]
},
{
auteur: "FM®",
titre: 'De l\'origine',
txt: ["<p></p><p></p><p>Là, sous la peau ébène</p><p>De ma petite diablesse,</p><p>S'embrase une Géhenne</p><p>Aux multiples promesses.</p><p></p><p>Là, sous la peau diaphane</p><p>De ma petite guenon,</p><p>S'étend le sillon profane</p><p>De sa vallée de Hinnom.</p><p></p><p>Je me brûle au purgatoire</p><p>De ses chaleurs qui déferlent,</p><p>Puis révère son ostensoir</p><p>Avant d'en débusquer la perle.</p><p></p><p>Revenant à l'origine,</p><p>Aux douceurs de l'éden,</p><p>Là, à sa source cyprine,</p><p>Je la fais mienne.</p>"]
},
{
auteur: "FM®",
titre: 'Noirceurs satinées',
txt: ["<p></p><p></p><p>Là, sous ses noirceurs satinées</p><p>Ornées de jarretelles,</p><p>Se dessinent mes fantasmes déclinés</p><p>En arabesques sensuelles.</p><p></p><p>Ces exquises volutes encrées,</p><p>Offertes à mon regard tenace,</p><p>Esquissent la liberté moirée</p><p>De ma sexy petite connasse.</p><p></p><p>Et mes doigts de s'enflammer,</p><p>Enviant la caresse du dermographe,</p><p>Pour au métal venir substituer</p><p>Leurs pulpes calligraphes.</p><p></p><p>Là, sous ses noirceurs satinées</p><p>Ornées de jarretelles,</p><p>Mon regard est venu tatouer</p><p>Mes appétences dévotionnelles.</p>"]
},
{
auteur: "FM®",
titre: 'Insomnie',
txt: ["<p></p><p></p><p>Mon rêve est une longue insomnie,</p><p>Un songe sans mensonge, sans sommeil,</p><p>Où, aux détours de mes errances alanguies,</p><p>Ta vérité me caresse et me réveille.</p><p></p><p>Mon rêve est une longue insomnie,</p><p>Une mascarade sans masque, sans paraître,</p><p>Une prière, une salace litanie</p><p>Adressée à ton cul pour toucher ton être.</p><p></p><p>Mon rêve est une longue insomnie,</p><p>Une mélodie animale aux accords déroutants,</p><p>Une folie aux outrances impunies</p><p>Qui t'écoute et qui t'entend.</p><p></p><p>Mon rêve est une longue insomnie,</p><p>Un jeu du je, un voyage délirant,</p><p>Une douce schizophrénie</p><p>Qui te regarde et qui t'attend.</p>"]
},
{
auteur: "FM®",
titre: 'Espoir',
txt: ["<p></p><p></p><p>Parce que je te devine,</p><p>Parce que mon désir te dessine,</p><p>Parce qu'en creux, parfois tu glisses</p><p>Vers mes merveilles, au pays d'Alice,</p><p>Parce que tes mots me traversent,</p><p>Percent mes remparts et les renversent,</p><p>Parce que par-delà mon réel, je te vois</p><p>Arpenter les venelles de mes émois,</p><p>J'ai semé mes graines sans en séparer l'ivraie,</p><p>À trop vouloir cueillir cette fleur livrée,</p><p>J'ai cédé à la faiblesse illusoire,</p><p>Au chancre pernicieux, à l'espoir.</p>"]
},
{
auteur: "FM®",
titre: 'Antidote',
txt: ["<p></p><p><p>Là, derrière les barreaux de métal</p><p>De ma perpétuelle réclusion,</p><p>S’offrent aux yeux de l’Animal,</p><p>Les saveurs de l’évasion.</p><p>De litanies outrancières</p><p>En douceurs dévoilées,</p><p>S’agitent les beautés amères</p><p>De ma belle écorchée.</p><p>Miroir, reflet de mes poisons,</p><p>Voilà qu’elle me tend l’antidote</p><p>Pulvérisant ma prison,</p><p>Charlotte.</p>"]
},
],
proses: [
{
auteur: "FM®",
titre: 'Léna C.',
titre2: '(Les séquestres de la liberté)',
txt: [
["<p class='center'>(Roman - Extrait)</p>"],
["<p class='right'><b>Encre</b><br><br><i>Là, aux encres de ta peau<br>Abandonnée au calligraphe,<br>Mes doigts caressent sans repos<br>La mémoire de tes affres<br>Livrés en quelques mots,<br>Épigraphe.</i></p><p></p><p></p><p class='chapitre'>Plus jamais...</p><p>Encore quelques pâtés de maisons et Léna arriverait enfin devant le 5 rue du marché Saint-Honoré. Elle n'aimait guère s'aventurer dans les venelles de ces quartiers bourgeois, là où le luxe s'affiche avec ostentation derrières les vitrines des temples marchands de la place Vendôme. Une débauche d'opulence qui la confinait à l'écœurement. À l'insignifiance de ces paraîtres, elle préférait le réel de son quartier Nord, comme le sourire édenté qu'affichait le vieux Louis, clochard de son état, lorsqu'elle lui abandonnait quelques pièces ou un peu de son temps.<br/>Si Dexeen n'avait pas exercé dans le quartier, Léna aurait sans doute choisi un autre salon. Seulement depuis qu'elle avait découvert le travail de la jeune tatoueuse, Léna était bien décidée à offrir sa peau au seul dermographe de cette jeune artiste.</p><p>— Bonjour, j'ai rendez-vous avec Dexeen. Je suis un peu en avance...<br>— Bonjour. Elle ne devrait plus en avoir pour longtemps. Je peux te laisser patienter dans notre espace détente ?<br>— Bien sûr !<br>— Je peux t'offrir quelque chose à boire ? Café, thé, jus de fruit ?<br>— Volontiers, merci ! Je prendrais bien un café.<br>— Je t'apporte ça...<p>Les fauteuils de la petite salle d'attente étaient aussi moelleux que confortables. Léna, après avoir bu quelques gorgées du café qu'on lui avait apporté, se mit à feuilleter un des \"Inked Magasine\" abandonnés parmi d'autres sur une petite table basse. Le titre, \"Couleur ou noir et gris ?\", lui fit prendre conscience qu'elle n'avait pas encore abordé le sujet avec Dexeen. Elle ne s'était d'ailleurs pas vraiment posée la question. Elle souhaitait simplement que son tatouage soit le plus réaliste possible. Rouge a priori...</p>"],
["<p>— Salut Léna ! Désolée pour le retard, j'ai dû prendre un peu plus de temps que prévu avec mon dernier client. J'ai cru qu'il allait tourner de l'œil !<br>— Ah... Tu sais mettre en confiance toi !<br>— Mais non, t'inquiète ! Le mec a juste choisi de se faire tatouer les côtes. Et c'est plutôt douloureux... Il a bien essayé de me faire croire qu'il encaissait, mais j'ai très vite senti que si je ne lui accordais pas de petits répits, j'allais le perdre ! Mais sur les fesses, c'est beaucoup moins sensible, ne t'en fais pas... Tu viens avec moi ? Je vais te montrer les différentes épreuves que je t'ai préparées.<br>— Je te suis !<br>— Tu ne m'as pas dit si tu souhaitais l'empreinte en couleur ou en noir et gris.<br>— En fait, je pensais à un rouge léger. L'idée c'est que ça fasse le plus réaliste possible. Comme si je venais de me prendre une grande claque sur le cul quoi !<br>— Ok...</p><p>Léna s'installa sur la table de tatouage. Elle avait bien pris soin d'enfiler un string comme le lui avait conseillé Dexeen lors de leur premier rendez-vous. La sensation lui était presque étrangère. Elle n'avait aucun problème particulier avec les strings, seulement elle préférait habituellement ne porter aucun sous-vêtement. Elle n'y attachait aucun signe de provocation ou d'indécence, mais juste une sensation incommensurable de liberté.<br>Le stencil de l'empreinte de main que Léna avait choisie étant posé, Dexeen vérifia que son dermographe fonctionnait bien, puis plongea l'aiguille dans une des capsules d'encre qu'elle avait préparées.</p><p>— Tu es bien installée ?<br>— Oui.<br>— Alors c'est parti ! Si c'est trop difficile, n'hésite pas à me le dire.<br>— Ok.</p><p>La jeune tatoueuse commença par le contour du motif. Il lui fallait être précise et concentrée, sans pour autant rester silencieuse. Dialoguer lui permettait de détourner un peu l'attention du client, et par conséquent de le contraindre à se focaliser le moins possible sur les sensations désagréables de ses aiguilles.</p><p>— Alors, explique-moi un peu ce tatouage. J'en ai tatoué des trucs bizarres, mais une empreinte de main sur une fesse, c'est bien la première fois !</p>"],
["<p>— Comme je te le disais, j'aimerais que ça soit très réaliste. Une sorte de mode d'emploi pour les mecs... Une notice explicative !<br>— Ah oui ? Mademoiselle aime les fessées ?<br>— Disons que je trouve ça très stimulant. Alors je me dis que ça pourrait inciter ceux qui manquent d'inspiration... Ou d'audace !<br>— J'adore l'idée ! C'est ton premier tatouage ?<br>— Non. J'en ai un sur la nuque. J'ai fait inscrire \"<i>Plus jamais</i>\".<br>— Plus jamais ?<br>— Oui. Ne \"<i>plus jamais</i>\" accepter de revivre certaines choses que j'ai subies autrefois.</p>"],
["<p class='right'><b>Ivresses</b><br><br><i>Un soir, au détour d'une ivresse Smirnoff,<br>Parcourant les pages d'Evguénie Sokolov,<br>Bercée par l'homme à la tête de chou<br>Confessant le meurtre de sa Marie Lou,<br>Sa chevelure, lisse et noire, barrée de métal,<br>M'arracha à Gainsbarre aux amours sombres et fatales.<br>Invitant mon œil à ses danses arabesques,<br>La soubrette m’entraina dans son rêve romanesque…</i></p><p></p><p></p><p class='chapitre'>Premiers dialogues...</p><p>— Bonjour jeune homme, vous désirez ?<br>— Assez souvent, oui...<br>— Oh mais je vois que monsieur à de l'esprit !<br>— Je vois que mademoiselle a du corps...<br>— Quel dommage ! Si vous n’étiez pas le vingt-cinquième aujourd'hui à tenter votre chance, j'aurais peut-être pu succomber à celle-là...<br>— Je vois. Me voilà donc victime de votre succès... C'est moche !<br>— C'est vrai, je dois bien le reconnaître, la vie est mal fichue ! Cela dit, rien ne vous empêche de revenir demain... de très bonne heure ! En attendant, je vous sers ?<br>— Là, évidemment si je vous réponds \"très fort\", je ruine définitivement toutes mes chances ?<br>— Loin de moi l'idée de brider votre liberté d'expression, mais... Effectivement, sur ce coup là, ce serait prendre de sérieux risques !<br>— Très bien, alors remettez-moi une Smirnoff s'il vous plaît.<br>— Et vous allez souvent dans des pubs pour boire de la vodka ?<br>— Je vois... Sinon vous avez l'habitude de vous lever à quelle heure le matin ?<br>— Trop tôt pour vous, j'en ai bien peur...<br>— Probablement... Et donc, puisque visiblement vous souhaitez me voir me conformer aux us et coutumes du plus grand nombre, vous me proposez quoi ?<br>— Nous avons les meilleurs whiskies et les meilleures bières irlandaises de Paris, et vous, vous buvez russe !<br>— Je déteste le whisky. C'est grave ?<br>— Rien n'est jamais vraiment grave... Une bière... Rousse... Une Smithwick's !<br>— Très bien, va pour une <i>Smith-machin</i>, je vous fais confiance.</p>"],
["<p>— Parfait, je vous apporte ça... Vous lisez quoi ? interrogea Léna après avoir jeté un œil au bouquin que tenait son client.<br>— Evguénie Sokolov, vous connaissez ?<br>— Non... C'est de ?<br>— Gainsbourg !<br>— « Soirée Gainsbourg », forcement… Et ça parle de ?<br>— D'un jeune peintre qui profite de la vibration de ses vents pour réaliser ses toiles...<br>— Très glamour ! Je vous apporte votre verre...<br>— Merci... \"Plus jamais\" ? lui lança le client, apercevant le tatouage de Léna.<br>— Oh non ! Plus jamais !</p>"],
["<p class='chapitre'><b>Le Jeu...</b></p><p>Je l'ai rencontré le 28 juin 2012. Rue René Descartes, Paris cinquième.<br>Soirée à thème : \"Gainsbourg\" au Hurling Pub. Je ne pouvais pas manquer ça... Lorsque, d'aventure, je venais affronter la frénésie urbaine de la capitale, je ne manquais jamais une occasion de venir user mes fonds de culottes sur les banquettes vieillissantes du Hurling Pub. L'atmosphère était propice à mes errances littéraires. Parfois je m'y nourrissais des mots des autres ; parfois j'y noircissais les pages de mes petits carnets. Et cela toujours en compagnie d'un verre de vodka, au grand dam du patron qui, mille fois, avait tenté de me convertir à son whisky irlandais. Je déteste le whisky…<br>Au gré de mon premier verre, je m’étais plongé dans les pages du « Evguénie sokolov » de Gainsbarre. Depuis quelque temps, le bouquin me faisait de l’œil sur mes étagères ; j’avais envie de le relire. Et quelle meilleure occasion qu’une soirée ivresse et Gainsbourg pour parcourir ces pages ?<br>Neill, le taulier, avait disparu entre le quatrième et le cinquième chapitre. J’aimais ces débuts de nuit ; j’y contraignais mon esprit à ne jamais quitter l’instant présent, afin que rien, absolument rien, ne puisse venir troubler ces petits plaisirs.<br>Le rire de Lilie me fit quitter les pages de mon livre un instant. Ma petite serveuse préférée, dont la féminité avait été, une fois de plus, dissimulée avec grand soin, était aux prises avec Nolan O’Brian. Le vieil irlandais au houblon séducteur, avait, du haut de ses soixante-quinze ans, entreprit sa sempiternelle sérénade amoureuse qui, une fois encore, se terminerait par une demande en mariage.<p>Demande que Lilie déclinerait, une fois de plus, avec la plus délicieuse des bienveillances.<br>J'attendais que le vieil O'brian ait terminé son numéro afin de pouvoir capter l'attention de Lilie. J’avais envie d’un autre verre.<br>Le vieux ayant manifestement décidé de faire perdurer le plaisir, je choisis de me replonger quelques minutes dans mes pages, histoire de finir mon chapitre. Avant de poursuivre ma lecture, je pris quelques secondes pour réfléchir aux assauts outranciers que j’allais faire subir à la pauvre Lilie, dont la poitrine généreuse, habilement camouflée, faisait systématiquement l’objet de mes taquineries sadiques. Elle avait beau s'acharner à dissimuler toute part de féminité susceptible de capter l’attention des clients, une poitrine si enthousiasmante ne pouvait pas échapper à ma vigilance maladive…</p><p>— Bonjour jeune homme, vous désirez ?</p>"],
["<p>Une voix sirène, aux accents de Messine, m’arracha à Gainsbarre. J'abandonnai mon livre pour poser mes yeux sur la serveuse, brulant mon regard esthète aux courbes délicieuses d'un corps dont elle n’économisait pas la mise en valeur.<br>Le désir piqué à vif par la gorge généreuse de la donzelle, je pris quelques secondes pour me nourrir de cet érotisme offert. Je m'accordai à penser que son job lui seyait à merveille. Après avoir été à ce point servie par la nature, il me semblait somme toute assez naturel qu'à son tour, elle serve à ses prochains un peu de ce qu'elle avait obtenu. Et ce soir-là, je pus constater qu'elle s'en acquittait à merveille.</p><p>— Je vois que mademoiselle a du corps...</p><p>Après avoir balayé d'un revers ironique ma première fulgurance spirituelle, la diablesse se joua de moi comme un félin de sa proie. Je la laissai faire, fasciné par son aplomb façonné sans excès.</p><p>— Et vous allez souvent dans des pubs pour boire de la vodka ?</p><p>Je compris assez vite la difficulté avec laquelle je pourrais obtenir d'elle qu'elle me servât une autre Smirnoff. Avec une ingérence toute naturelle, elle s'était mise en tête que son comptoir irlandais regorgeait de breuvages assez exceptionnels pour me faire oublier la blancheur glaciale de mes alcools soviétiques.<br>Elle ouvrait donc le bal, nous entraînant dans la danse du jeu ; danse que bien évidemment elle n'aurait pas entamée si elle n'avait pas été sûre de pouvoir la conduire.<br>Elle réussit le tour de force de me tenir à distance tout en ouvrant une porte, au seuil de laquelle elle m'incitait à entrer. Et le tout servi avec un sourire dont l'innocence fardée semblait dissimuler les promesses du vice.<br>Il fallait bien qu’à mon tour j’ouvre une porte. Je choisis délibérément celle du désir puisqu’elle l’avait d’emblée posé entre nous. « Vous désirez ? ». Si je désire ? Voilà donc la première chose que tu veux savoir de moi.<br>Du désir, elle en avait effectivement fait naitre un en moi. Et son objet allait bien au-delà de ce corps que, pour autant, je décidais de complimenter.<br>Mon petit éloge à sa plastique traversa le premier mur de sa forteresse. Elle avait fait en sorte de la rendre imprenable cette citadelle à la beauté flamboyante. Il fallait bien que ses remparts soient assez solides pour freiner les assauts des mâles enivrés aux regards salissants, pensant tenir, jours après jours, le siège du bastion à envahir.</p>"],
["<p>Ce 28 juin, alors que ses fortifications avaient vu s'écraser leurs lots de charges intrusives, Léna, intriguée et passablement amusée par notre échange, m'invita à reproduire ma tentative séductrice, prémisse à un jeu que visiblement elle semblait apprécier.</p><p class='separateurs'></p><p>Le lendemain matin, je fis une halte rue de la Bûcherie. Je demandai au libraire de <i>Shakespeare & Company</i> s'il pouvait me faire un paquet cadeau pour un des bouquins que je lui achetais. Je lui demandais de bien vouloir glisser entre les pages du livre le petit mot que j'avais pris soins de préparer.</p><p class='separateurs'><p>J'arrivais au Hurling Pub vers midi. Je m'installai à une table, un peu en retrait, comme à mon habitude. À peine avais-je eu le temps de prendre mes aises que Lilie m'apportait mon habituel verre de vodka.</p><p>— Bonjour Bôh !<br>— Bonjour ma Lilie. T'es vraiment belle, tu sais ! Peut-être un peu trop aguichante à mon goût, mais quand même vraiment jolie ! Et particulièrement aguichante aujourd'hui...</p><p>Je me nourrissais de ses inexorables soupirs d'exaspération, répondant inlassablement à mes provocations taquines. Je la malmenais chaque fois qu'elle m'en donnait l'occasion. La proie étant facile, ces occasions étaient de plus en plus fréquentes. Elle avait vite compris que derrière le salace que j'avais l'habitude de livrer à ses seules oreilles, se cachait l'immense affection que je lui portais. Aussi n'avait-elle jamais vraiment pu m'en tenir rigueur.</p><p>— Oui, oui, je sais... Tu as encore rêvé de mes gros seins... Ou alors non, justement tu n'as pas pu trouver le sommeil tant leur image à troublé, jusqu'au petit matin, ton esprit de grand pervers obsédé ! Ça va être quoi aujourd'hui ?<br>— Tu as des gros seins toi ?<br>— Tu es infernal Bôh ! Tu ne t'arrêtes donc jamais ?<br>— Si, bien sûr. Seulement face à la générosité que tu agites devant mes yeux, il serait de mauvais goût de faire preuve de pingrerie, non ?<br>— Ben voyons ! Tiens, ta vodka...</p><p>Je pris le verre, le bus d'un trait et le rendis sans attendre à ma petite serveuse, dont les yeux semblaient ne plus pouvoir se détacher du verre vide, revenu aussi vite qu'il avait été donné.</p>"],
["<p>— Apporte-moi une Kilkenny s'il te plait.<br>— Ok... Tu manges ici ?<br>— Pourquoi pas...<br>— Le plat du jour je suppose ?<br>— Oui. Neill n'est pas là aujourd'hui ?<br>— Non, il est parti à Belfast pour quelques jours... Je t'apporte ta bière tout de suite.</p><p>La raison pour laquelle j'avais annulé mon déjeuner professionnel fit son apparition. Je l'observais. Elle virevoltait entre les tables, un plateau à la main, pareille à un matamore esquivant les assauts d'un taureau camarguais passablement irrité. Elle était belle. Ses allées et venues, répétées, rappelaient les danses interminables des parades nuptiales de certaines espèces animales. Une parade urbaine qui ne manquait pas de faire son petit effet sur les mâles en alertes, les yeux dégueulant de projections libidineuses. Malheureusement pour moi, il fallait bien que je l'admette, pour une fois et à contre gré, je faisais corps avec eux.<br>Elle finit par s'arrêter à ma table.</p><p>— Bonjour charmant jeune homme !<br>— \"Charmant jeune homme\", rien que ça ! Je vois qu'on sait flagorner le client par ici.<br>— Flagorner ! Toute de suite les grands mots ! ...Hey ! Une Kilkenny ? Je prends ça comme un hommage !</p><p>En guise de réponse, je décidai de lui balancer un sourire un rien provocateur. Elle resta plantée devant moi, immobile, à l'instar de son regard soutenant le mien, pareille à un fidèle attendant qu'on lui offre la communion. Face à mon silence, elle reprit.</p><p>— Et bien ? J'attends ma tentative de séduction ! Vous ne pouvez être revenu que pour ça, non ?<br>— Et je serai le premier aujourd'hui ?<br>— Malheureusement non... Sur le trajet jusqu'ici...<br>— À quoi bon me faire éconduire à coup sûr alors ?<br>— Là, vous me décevez !<br>— J'en suis ma foi désolé...</p><p>Elle m'offrit le plus charmant des sourires, puis repartit dans sa danse frénétique jusqu'au zinc de son comptoir. Mon repas terminé, je réglai l'addition que Lilie avait déposée sur le coin de ma table. Puis, après avoir enfilé ma veste, je me dirigeai vers la sortie.</p>"],
["<p>Lilie, occupée à une table, me lança un \"à bientôt Bôh !\" auquel je répondrai par un baiser jeté du bout des doigts. Puis, ces derniers libérés, je fis mine de titiller mon téton droit avec la pulpe de mon index. Elle secoua la tête, visiblement dépitée, mais avec un sourire illuminant son adorable minois. Elle m'aimait pour cela. Elle subissait mon harcèlement de sale gosse, seulement je parvenais toujours à faire rayonner ses sourires.<br>Avant de quitter le pub, je lançais un clin d'oeil à ma petite joueuse, qui me répondit par un sourire accompagné d'un \"à bientôt\" de circonstance.</p><p>Passant devant la table que j'avais occupée, Léna trouva le petit cadeau que j'avais laissé à côté de la coupelle dans laquelle on m'avait apporté l'addition. De retour à son comptoir, elle fit signe à Lilie de venir la rejoindre. Puis elle lui tendit le paquet.</p><p>— Le mec de la 6 t'a laissé ça...<br>— Ah ? Qu'est-ce que c'est, un livre ?<br>— C'est ton anniversaire ?<br>— Ben non... Je m'attends au pire... Ce mec est capable tout ! Je suis sûr que c'est un bouquin sur les nichons !<br>— Les nichons ?<br>— Ouais, ça tourne quasi à l'obsession chez lui ! Il est trop con, mais je l'aime bien...</p><p>Lilie finit par déchirer le papier cadeau, s'attendant à tout. Lorsqu'elle aperçu le bouquin, elle en fut presque déçue.</p><p>— Alors ? demanda Léna.<br>— Evguenie Sokolov...<br>— Quoi ? C'est pour moi...</p><p>Abandonnant le livre à sa collègue, Lilie reprit sans attendre sa course en salle, à la recherche de tables à débarrasser ou de nouvelles commandes à prendre.</p><p>Durant quelques secondes, Léna détailla la photo que Folio avait choisi pour illustrer la couverture du bouquin. Gainsbourg tirant sur sa gitane... Le livre lui était destiné, cela ne faisait aucun doute, mais elle cherchait à comprendre la raison de ce cadeau. Son client n'avait pas vraiment fait preuve de timidité, aussi, s'il avait seulement souhaité lui faire découvrir un bon bouquin, il lui aurait simplement offert en mains propres.</p>"],
["<p>Lilie coupa court à toutes ces interrogations en lui transmettant deux nouvelles commandes qu'elle devait lui préparer. Avant de reprendre sa place derrière son bar, Léna fila au vestiaire afin de glisser le livre dans une des poches de sa veste. La carte de bristol laissée à son attention s'échappa des pages entre lesquelles elle avait été glissée, tombant à ses pieds.<br><i>\"À demain. Qui sait, peut être parviendrais-je à être le premier...\"</i><br>Léna afficha un large sourire. Le message était clair. C'était une première réponse à son invitation au jeu. Elle adorait jouer.</p><p class='separateurs'><p>Il faisait encore nuit lorsque Léna parvint à s'extirper du canapé sur lequel elle s'était endormie. Elle avait décidé, depuis qu'elle vivait seule, d'y passer l'ensemble de ses nuits, exception faite de celles où ses enfants ne dormaient pas chez leur père. À ces occasions, elle avait l'habitude, lorsqu'elle se décidait à investir sa chambre, de retrouver ses deux amours, camouflés sous les draps d'un lit devenu beaucoup trop grand. Elle s'y glissait simplement, prenant garde à ne pas réveiller ses deux réfugiés, trop heureuse de pouvoir sentir contre son corps de mère, la chaleur de ses deux plus belles réussites.</p><p class='separateurs'><p>Au petit matin, elle maudit le banquier qui n'avait pu trouver d'autres créneaux pour lui accorder un rendez-vous. Se dirigeant vers sa salle d'eau, elle faillit trébucher sur la bouteille de tequila qui, quelques heures auparavant, avait accompagné sa lecture d'Evguénie Sokolov.<br>La mine encore marquée par ses excès éthyliques, la diablesse, après mûre réflexion, décida de forcer sur la profondeur de son décolleté. Elle avait pris conscience très jeune du pouvoir de sa féminité. Aussi avait-elle pris l'habitude, lorsque l'un de ses atours lui faisait défaut, d'en mettre un autre en avant.<br>Avant d'aller enfiler sa veste, elle fit face à son miroir, prenant ses deux seins à pleines mains afin d'ajuster au mieux le piège à banquier. Elle s'en amusa. Lorsqu'elle sortit de son appartement, un petit bout de papier, qui avait été coincé entre le chambranle et sa porte, virevolta jusqu'à son paillasson.</p><p><i>\"À moins que derrière cette porte se trouve un homme chanceux, je serai aujourd'hui le premier à tenter ma chance... Tu te lèves en effet beaucoup trop tôt pour un écrivain insomniaque qui boit russe. N'ayant que peu d'imagination, je me vois dans l'obligation de réitérer ma première tentative (puisque tu m'avais assuré qu’elle eut probablement fait mouche si elle avait précédé toutes les autres) : « Je vois que madame à du corps ! »\"</i>.</p>"],
["<p>Ces quelques mots, jetés sur une page semblant avoir été grossièrement arrachée d'un carnet, troublèrent Léna. À tel point qu'elle pût sentir le feu du trouble venir lui empourprer le visage. Il s'agissait bien là d'une des rares choses qu'elle ne maîtrisait pas. Elle détestait ça...</p><p class='separateurs'><p>Le Hurling Pub était presque désert. Il y avait bien le vieil O'brian, le visage rougeaud suintant la Guinness. Et puis le coutumier du vendredi, seul face à la cible du jeu de fléchettes, avec, à la clé, la prochaine tournée offerte par le perdant. Personne aux tables en dehors du vieil irlandais, pas âme qui vive au bar.<br>En d'autres circonstances, Léna aurait maudit le dieu des alcoolos. Elle détestait par dessous tout ces heures solitaires et inertes passées derrière son bar, où la course du temps, qui lui paraissait ralentir, venait taquiner ses impatiences. Plutôt que de faire face à ses angoisses de perte de temps, elle préférait s'épuiser en courses folles jusqu'à ce que son corps la rappelle à son souvenir. Au mieux, elle finissait par tomber d'épuisement, au pire, elle disparaissait quelques semaines sans que personne ne sut où elle se trouvait. Hormis bien sûr Neill qui, inlassablement, distribuait aux habitués du Hurling ou à ses collègues des <i>\"elle a dû s'absenter pour des raisons personnelles...\"</i>.<br>Seulement aujourd\'hui elle comptait bien passer Lilie à la question jusqu\'à ce qu\'elle lui ait absolument tout dit du client à la vodka. Aussi se surprit-elle à se réjouir de trouver le Pub déserté lorsqu'elle franchit la porte du Hurling. Elle aperçut Lilie qui s'était réfugiée au fond du bar, un endroit hautement stratégique puisqu'elle se trouvait hors de portée des regards amourachés du vieil O'brian. Lilie se débarrassa machinalement de son iPhone lorsqu'elle entendit la porte du pub s'ouvrir, laissant message inachevé et correspondant en attente pour accueillir les clients. Lorsqu'elle vit Léna refermer la porte, elle quitta son refuge, trop heureuse de voir sa collègue venir bousculer son ennui.</p><p>— Coucou Lilie ! Oh mais dis-moi, un presque tête à tête avec l'ancien ! Qu'elle petite chanceuse tu fais ! lança Léna tout en adressant son plus beau sourire au vieil O'brian.<br>— Et oui ! Que veux-tu, une bonne fée a dû se pencher sur mon berceau... C'est dingue comme tout me sourit dans la vie ! Tiens, la dernière. Ma colloc me lâche... Certes, je vais gagner en intimité... mais le loyer va doubler. Enfin, je dis intimité... avec mon portable surtout ! Ce n'est pas comme si je devais gérer les cohortes de mecs qui grattent à ma porte tous les soirs !"],
["<p>— Le décolleté ! Je te l'ai dit cent fois, Lilie. Et si tu veux leur infliger double peine, le dessus du genou... Avec les jupes, il y a un au-dessous et un au-dessus. Au dessus du genou, c'est imparable. Tu peux bien être parfaitement défaite et maudire les stigmates de tes nuits blanches, une jupe au-dessus du genou, et tu deviens la plus belle femme du monde !<br>— Bien sûr, suis-je bête ! Je tenterai le coup, disons... Tiens, pour fêter ma quinzième année de psychanalyse ! En attendant, je vais continuer à me coucher tôt et à laisser mes jupes au placard...<br>— Neill a laissé des consignes ?<br>— Oui. \"Vous gérez...\".<br>— Génial ! Maintenant, je veux tout savoir du client de la 6.<br>— Ah oui ! Alors, ce livre ?<br>— J'ai adoré ! Bon, c'est sûr, on est assez loin de Sapienza, mais bon, j'ai beaucoup aimé.<br>— Sapienza ?<br>— Goliarda Sapienza. <i>L'Art de la joie </i>? Non ? Je te l'amènerai... Bref, dis-moi qui est ce type ?!<br>— Bôh ?<br>— Bôh, c'est quoi ? C'est son nom ? Monsieur Bôh ?<br>— Euh... Non, je ne crois pas. Un jour il m'a dit qu'il s'appelait Bôh. Tu sais, moi, je ne suis pas contrariante... Je l'ai toujours appelé Bôh.<br>— Donc tu ne connais pas son nom ?<br>— Non, désolée. Pourquoi ? Ne me dit pas que tu as succombé...<br>— \"Succombé\" ! Il y a bien longtemps que je ne pratique plus ce genre de chose ! Ce sont eux qui succombent, et je dispose ! Il faut vraiment que je pense à t'apporter du Sapienza, toi...<br>— Bon d'accord... mais il a déjà succombé ou c'est en projet ?<br>— Je me suis posée la même question ce matin en sortant de chez moi ! C'est bien pour ça que je veux que tu me dises tout ce que tu sais !<br>— Écoute, je termine un message, je l'envoie et je suis toute à toi, lui répondit Lilie tout en ramassant son iPhone laissé derrière le comptoir.</p><p class='separateurs'><p>— Floralia, j'écoute !<br>— Bonjour madame. J'aimerais savoir si vous vendez des capucines. Et il m'en faut une orange, c'est important.<br>— Orange ? Ne quittez pas, je regarde s'il m'en reste... Alors il me reste seulement quatre capucines orange...<br>— Une seule suffira. Vous livrez ?<br>— Bien sûr...<br>— Parfait !"],
["<p>— Simple signature, carte événement ou message personnel ?<br>— Message personnel, sans signature.<br>— Je vous écoute...<br>— Alors le message est le suivant : \"Ce matin, j'exerce mon droit à la tentative avec le langage des fleurs. La capucine m'a semblé tout à fait appropriée. Bonne journée, Léna C.\"... Voilà, et le tout sans signature.<br>— Expéditeur anonyme ?<br>— Vous avez tout compris !<br>— L'adresse du destinataire, s'il vous plaît ?</p><p class='separateurs'><p>— Voilà, je suis à toi.<br>— Je t'écoute, dis moi tout ce que tu sais sur ce Bôh !<br>— Alors, je te l'ai dit, je ne connais pas son nom. Il vient régulièrement ici depuis... trois bonnes années je dirais. Toujours en fin de mois. Il ne boit que de la vodka. Neill m'a dit une fois qu'il était un ami des anciens proprios. Du temps de la Datcha. Tu savais qu'avant le Hurling, c'était un resto russe ici ?<br>— Ah ? J'ignorais... D'où la vodka !<br>— D'où la vodka, effectivement ! Il a en permanence sa réserve personnelle. Tiens-toi bien, il nous paie une caisse entière à l'avance lorsqu'il ne reste plus qu'une bouteille ! Et toujours de la Smirnoff... Il fait souvent la fermeture... Toujours seul... Il lit ou il écrit dans des petits carnets... Euh... Plat du jour, systématiquement, jamais à la carte. Il paie en liquide, toujours. Pourboire généreux. Obsédé sexuel... Enfin, il m'emmerde avec mes seins... Mais rien à voir avec nos lourdauds bourrés du samedi soir. Enfin peut-être pas obsédé, mais en tout cas très joueur. Jamais graveleux mais infernal. Il fait dans le comique et la taquinerie de répétition... En tout cas avec moi. Je ne sais pas pourquoi, mais il est beaucoup plus distant avec Julie. Elle est pourtant bien mieux foutue que moi... Je l'aime bien. Il est dingue, mais je l'aime bien.<br>— Tu sais où il bosse ?<br>— Non.<br>— Où il habite ?<br>— En Bretagne je crois. Je l'ai entendu plusieurs fois parler de Rennes.<br>— C'est tout ?<br>— Euh... Je crois oui.</p><p class='separateurs'><p>Malgré une recette plus qu’honorable, Léna n’était pas satisfaite. Elle aurait aimé voir plus de clients investir son pub.</p>"],
["<p>Elle avait, tout au long de la soirée, mainte fois posé son attention sur la porte d’entrée, trop peu franchie à son goût.<br>Ce soir là, le client de la 6 ne viendrait pas… Il avait dû, pensa-t-elle, quitter Paris pour revenir à sa Bretagne. Si Lilie disait vrai, elle le reverrait dans un mois. Elle ne pu contenir le soupir, presque interminable, venant révéler l’ampleur de ses impatiences. « <i>Je n’ai besoin de rien, j’ai envie de tout ! </i>» m’a-t-elle dit un jour. Et lorsqu’elle désirait, elle entendait étancher sa soif sans tarder. Il lui faudrait attendre cette fois. Elle détestait ça. Non pas qu’elle n’ait jamais connu les délices d’une frustration bien menée. Seulement ici, elle n’était pas maitresse de l’inassouvissement. Et pour couronner le tout, ce fut accompagnée d’une pluie cinglante et d’une migraine trop souvent complice qu’elle fut contrainte de rentrer chez elle.</p><p class='separateurs'><p>— Léna, il me faut deux Green Spot, une Guinness et une vodka pour la 9 s'il te plaît.<br>— Ça roule... Une vodka, ben voyons... Encore un original !<br>— <i>Une</i> originale...</p><p>Ayant déposé les breuvages irlandais sur le plateau que Lilie avait laissé sur le comptoir, Léna, s'apprêtant à servir la vodka, fut interrompue par Neill qui, de son côté, préparait l'addition qu'avait réclamée les cinq étudiants de la table n° 7.</p><p>— Ouvre une nouvelle bouteille Léna, celle-ci est déjà payée.<br>— Ah oui, c'est vrai ! Dis-moi Neill, tu connais son nom ?<br>— Job quelque chose... Attends, il m'a dédicacé un de ses bouquins. Regarde dans le troisième tiroir devant toi.</p><p>S'exécutant, Léna trouva assez vite, parmi les factures et autres livres de comptes divers, le livre d'un certain Job O. Simaurre, intitulé <i>L'extinction du Dos Argenté</i>.</p><p>— Je peux te l'emprunter, Neill ?<br>— Bien sûr. Je te préviens, c'est \"spécial\"... Et n'oublies pas de me le rendre, c'est un cadeau.</p><p>Léna reprit sa danse frénétique derrière son comptoir, ravitaillant ses piliers de bar tout en préparant les commandes que Lilie escorterait en salle.<br>Lorsqu’enfin vint l'heure de sa pause, Léna, ayant allumé sa cigarette, commença à lire les premières lignes du livre :</p>"],
["<p><i>\"C’est une chose peu aisée que de repousser les limites de la souffrance. Parfois, on y parvient ; un temps… Il est possible de franchir la frontière de l’insupportable, de s’aventurer de gré au cœur du royaume d’Hadès, sans pour autant avoir abandonné son âme à la Faucheuse. Exception faite de toute forme de déviance masochiste, l'unique dessein qui puisse justifier une telle hardiesse se résume en une idée diaboliquement simple : préserver toute forme d'espoir...</p><p>À la faveur des premières lueurs d'un matin de juin, une douleur presque insupportable vint m'arracher à mon sommeil. Hormis mon visage, dont les traits torturés reflétaient la souffrance, il me semblait que mon corps tout entier se disloquait ; broyé, écartelé par une puissance invisible. Après quelques minutes qui me parurent interminables, le supplice finit par s'estomper à mesure que progressait ma métamorphose kafkaïenne.</p><p>Mon corps retrouvait sa semblance simiesque ancestrale. Voilà que je devenais l'homme au dos argenté. Moitié gorille, et moitié mec...</p><p>Des heures durant je fis face à mon miroir, dans l'espoir insensé, j'en conviens, que ce dernier puisse me renvoyer le souvenir de mon image. Seulement ma psyché n'avait d'autre à m'offrir que la terrible réalité du reflet de ma transfiguration.</p><p>Mais qu'étais-je donc devenu ? Un monstre ? Une bête de foire ? Qui avait bien pu me punir d'une telle calamité ? Et qu'avais-je donc bien pu faire pour mériter un tel courroux ? Dieu avait-il décidé de faire de moi un nouveau Job ? Après avoir perdu l'amour qui nourrissait mon être, allais-je être dépouillé de tout, jusqu'à ma propre humanité ? Pas plus qu'à celles-ci, je ne pu trouver de réponse aux milles autres questions qui, des heures durant, virevoltèrent jusqu'à faire défaillir mon esprit \"</i>.</p><p>Léna aurait aimé que sa cigarette se consumât moins vite. Il lui fallait revenir à ses clients...</p><p class='separateurs'><p>Elle avait pourtant pris soin de désactiver son réveil... Bravant les difficultés à s'extirper de son canapé vieillissant, Léna, qui avait fait de sa couette une toge impériale, jeta un œil à travers le judas afin de voir qui avait eu l'outrecuidance de sonner à sa porte.</p><p>— Bonjour madame. Une livraison de fleurs pour... Léna C.</p>"],
["<p>— Bonjour, c'est bien moi.</p><p>Ayant congédié le livreur, dont la mine amusée trahissait son peu d'habitude à ce qu'on lui ouvre la porte en \"toge de couette\", Léna arracha la petite enveloppe agrafée sur le papier cristal qui protégeait la capucine. D'abord furieuse d'avoir été tirée du \"lit\" de si bonne heure, Léna finit par admettre qu'elle avait connu bien pireen matière de réveil. Car après tout, force lui était de constater qu'elle se trouvait au beau milieu de son salon, traversée par un flot d'émotions délicieuses qu'avaient provoqué les quelques mots minutieusement choisis par Job. Amusement, trouble, excitation — d'abord intellectuelle puis sexuelle — se succédèrent puis s'entremêlèrent, sans que rien ne vint leur faire obstacle. La vie lui avait appris à jouir pleinement de ses émotions, quelles qu'elles soient. Elle aimait par dessus tout se sentir emportée par la violence d'un sentiment ou d'une sensation. Depuis qu'elle s'était séparée du père de ses enfants, Léna appréhendait sa vie à la manière de ses orgasmes multiples, savourant chaque vague de plaisir avec l'espoir que la prochaine l'emporte un peu plus.</p><p>— Le langage des fleurs ? Ok, Wikipédia... Capucine... Orange... <i>\"Je désire vous séduire\"</i>... Sur ce coup-là Job, je dois avouer que tu fais fort..</p><p>Abandonnant sa toge à sa fonction initiale en la jetant sur son canapé, Léna, offrant sa nudité au petit matin naissant, tira de son sac le livre que Neill avait bien voulu lui prêter.<br>Elle n'avait pas encore eu le temps de le lire. Elle s'y emploierait le soir même, sa journée au Hurling Pub terminée. Pour l'heure, il lui fallait trouver de quoi répondre au petit jeu de son prétendant. Elle devait avant tout retrouver sa trace. Et elle espérait bien parvenir à ses fins par l'entremise de son éditeur, lequel avait eu la bonne idée de préciser l'adresse de son site web sur la quatrième de couverture du livre de Job.<br>En quelques clics Léna pu accéder à la liste complète des écrivains y étant publiés. \"Job O. Simaurre, <i>L'extinction du Dos Argenté</i>. 35 000 Rennes. (simaurre\@fmr-edition.com)\".</p><p>— Parfait !</p><p></p><p class='right'><i>(Fin de l'extrait)</i>"],
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auteur: "FM®",
titre: "Je de miroirs",
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["<p>(Nouvelle - Extrait)</p>"],
["<p class='right citation'><b><i>Ça</b> (n.m) : En psychanalyse, partie pulsionnelle de la psyché humaine, qui ne connaît ni normes (interdits ou exigences), ni réalité (temps ou espace) et n'est régi que par le seul principe de plaisir, satisfaction immédiate et inconditionnelle de besoins biologiques.</i></p><p></p><p></p><p></p><p></p><p>- Ça va passer…<br>- Oui ?<br>- Ça finit toujours par passer. Il suffit que…<br>- Bien.</p><p>Nikki détestait ce « bien ». Il interrompait systématiquement ses séances, qu’elle en ait terminé ou non. Parfois même, comme aujourd’hui, Panéa le glissait au beau milieu d’une de ses phrases. Mille fois elle s’était juré de faire remarquer à son psychanalyste à quel point elle trouvait impolies ces interruptions brutales. Chaque fois que cela se produisait, elle sentait une pointe de colère l’envahir. Et chaque fois, elle tentait de réprimer le feu de la frustration qui lui empourprait le visage. Jamais elle n’aurait osé objecter quoi que ce soit à son analyste. Pas plus qu'elle n’aurait osé se confronter à quiconque…<br>Julien Panéa chaussa ses lunettes avant d'ouvrir son agenda.</p><p>- Je serai absent ce jeudi, on peut trouver une date pour reporter la séance ?<br>- Euh… oui.<br>- Alors... Mercredi 27 à 10h30 ? <br>- Je fais l’ouverture à 11h00 le mercredi. Il faudrait que je demande à mon patron si je peux commencer une heure plus tard. Je vous appelle pour confirmer ?<br>- Oui. Si vous préférez, je peux aussi vous recevoir à 20h30 ce mercredi…<br>- Parfait ! Je viendrai directement après mon service.<br>- Très bien, mercredi 27, 20h30…</p><p>Panéa se leva afin de raccompagner sa patiente jusqu’à sa porte. Nikki lui tendit son dû, lui serra la main, puis quitta le cabinet.</p>"],
["<p>La matinée s’achevait pour Panéa. Le temps de manger et il reprendrait ses séances en début d’après midi avec une nouvelle patiente. Pour l’heure, il avait rendez-vous avec son épouse au Bon Pantagruel, un restaurant du centre ville où il avait ses habitudes. Le temps pour lui de donner quelques croquettes au chat et il se mettrait en route.<p></p></p><p class='center'>*</p><p class='center'>* *</p><p></p><p>Agrippée à une des barres de sécurité du bus 51, Nikki pensait à ce qu'elle allait bien pouvoir manger ce midi. Elle se laissa envahir par les saveurs de ses plats préférés afin de fuir le malaise louvoyant qui s'emparait d'elle, chaque fois qu'elle devait subir la trop oppressante promiscuité des corps qui frôlaient le sien aux heures de pointe. Tagliatelles à la carbonara, gratin dauphinois, curry de crevettes... Non ! Ce midi, elle mangerait japonais.<br>Une douleur fulgurante la tira de ses songes lorsque le bus freina brusquement, réveillant la vilenie de son dos tortionnaire. Les douces saveurs culinaires qui caressaient son imaginaire laissèrent place aux malodorantes senteurs des corps qui l'entouraient et dont elle se sentait prisonnière.<br>Arrêt Vincent Scotto. Son calvaire prit fin lorsque elle put enfin s'extirper de cette étreinte forcée, et parcourir à pieds les quelques centaines de mètres qui la séparaient de son appartement. Parmi le courrier qu'elle avait prit soin de relever, Nikki reconnut immédiatement le pourpre des enveloppes que Lilie, sa meilleure amie, avait l'habitude d'utiliser. Lilie avait toujours fait partie de sa vie. Des bancs écoliers de sa plus tendre enfance jusqu'à leur récente collocation, elles ne s'étaient pour ainsi dire jamais quittées.</p><p>Aussi, dès lors que Lilie avait déménagé pour rejoindre son homme, les deux jeunes femmes avaient décidé d'entretenir une relation épistolaire fournie. Toutes deux détestaient les trop longues conversations téléphoniques, et s'accordaient à penser que l'écrit était bien plus propice à la confidence.</p><p>Elle glissa donc l'enveloppe pourpre au fond de son sac, se délectant par avance des petites gorgées brûlantes de thé au jasmin qui accompagneraient sa lecture. Puis, plongeant la main dans le bocal où elle conservait ses pourboires, elle en tira quelques billets et se mit en route pour son japonais préféré, \"Au cent sushis\".</p>"],
["<p class='center'>*</p><p class='center'>* *</p><p></p><p>Julien Panéa avait réinvesti son cabinet. Confortablement installé dans son vieux fauteuil aux accoudoirs patinés, il s'était plongé dans la lecture de \"Une saison chez Lacan\" de Pierre Ray, en attendant une nouvelle patiente pour un premier entretien.<br>Lorsqu'il entendit la porte de sa salle d'attente s'ouvrir, il laissa son livre pour installer une chaise face à son fauteuil. S'il acceptait de suivre sa nouvelle patiente, celle-ci ne pourrait connaître les joies du divan que lorsqu'elle aurait manifesté son désir d'entrer en analyse. En attendant, les entretiens se dérouleraient en face à face thérapeutique.<br>L'aménagement terminé, Panéa ouvrit la porte de sa salle d'attente pour accueillir la jeune femme. Lorsqu'il aperçut celle-ci, Panéa crut d'abord qu'il s'était trompé en consultant son agenda. Il se souvenait pourtant bien avoir noté le prochain rendez-vous de Nikki au mercredi 27 à 20h30...<br>La jeune femme se leva énergiquement, s'avançant vers son psychanalyste pour lui tendre la main.</p><p>- Bonjour, Lilie Dee, enchantée !<br>- Bonjour...</p><p>Panéa ne laissa rien transparaître de son trouble. Indiquant simplement de la main l'entrée de son cabinet, il se demanda comment il avait pu passer à côté de ça. Ça... \"Ça va passer\". Il avait bien délibérément interrompu sa dernière séance avec Nikki sur cette phrase, espérant se faire entendre de son inconscient, mais de là à voir s'incarner une seconde topique..</p><p>À moins d'être confronté à une gémellité... Bien sûr que non ! Lilie Dee ! Elle ne pouvait être que la Lilie dont Nikki lui avait maintes fois parlé…</p><p>- Asseyez-vous, je vous en prie, lui dit-il en désignant la chaise qu'il avait installée pour l'occasion. Dites-moi ce qui vous amène.<br>- Un problème de claustrophobie.<br>- Oui ? C'est curieux de venir voir un psychanalyste pour un problème de claustrophobie. Généralement on s'oriente plutôt vers les thérapies plus courtes des psychologues. Non ?<br>- C'est mon ami qui m'a conseillé de prendre rendez-vous avec un analyste...</p>"],
["<p></p><p>- Votre ami ?<br>- Oui. Enfin mon compagnon si vous préférez. Il a fait beaucoup de recherches sur la psychologie pour son travail... Enfin bref, il m'a dit que ma claustrophobie n'était qu'un symptôme et qu'un psychologue ne pourrait que déplacer ce symptôme. J'avoue que tout ça n'est pas très clair pour moi... Mais je lui fais confiance. J'ai donc pris rendez-vous avec vous.<br>- Pourquoi moi ?<br>- J'ai consulté les pages jaunes et j'ai choisi au hasard.<br>- Et bien vous pouvez constater qu'il n'y a pas de hasard, mais seulement des rendez-vous !<br>- C'est grave si je vous dis que je ne comprends pas ce que vous venez de me dire ?<br>- Absolument pas. Vous êtes là pour dire. Quand à comprendre ce que je vous dis, <i>Ça</i> viendra... Parlez-moi de votre claustrophobie. Elle se manifeste comment ?<br>- Et bien je ne supporte pas de me sentir emprisonnée dans des endroits exigues, comme des ascenseurs, des cagibis ou à l'arrière des voitures trois portes... Enfin ce genre de trucs. Ça me rend dingue ! Je ne peux plus respirer, je perds tous mes moyens. J'angoisse tellement que parfois j'ai l'impression que je vais m'évanouir !<br>- Je vois. Et bien si vous le souhaitez, je pense que l'on peut travaillez ensemble sur votre problématique.<br>- C'est tout ? C'est déjà fini ?<br>- Il ne s'agissait que d'un premier rendez-vous. Un entretien afin de savoir si je peux vous convenir. Nous nous verrons deux fois par semaine.<br>- Vous prenez combien par séance ?<br>- Cent euros.<br>- Ah oui, cent euros !</p><p>- Tout gain s'accompagne d'une perte.<br>- Si vous le dites...</p><p></p><p class='center'>*</p><p class='center'>* *</p><p></p><p>Épuisée par une trop longue journée de travail, Nikki, à peine rentrée chez elle, n'avait qu'une seule idée en tête. Prendre une douche qui, l'espérait-elle, pourrait laver un peu des regards lubriques ou des remarques salaces de ses clients avinés.</p>"],
["<p>Sous la pluie brûlante de sa douche italienne, il lui sembla que le temps s'était arrêté. Lorsqu'elle revint de son voyage intérieur, elle ne distinguait plus les larmes des ruissèlements de l'eau qui sillonnait son visage. À la vue de cette eau qui disparaissait dans le siphon, elle se mît à espérer que le jet qui martelait son crâne puisse la laver également d'une partie de ses pensées ; que celles-ci puissent aussi disparaître, emportées vers les eaux usées.<br>Ce soir elle se ferait une soirée séries avec un bon plateau repas. Charcuterie corse, fromage et Chambolle Musigny au programme.<br>Au sortir de sa douche, elle enfila son shorty preferé, sur lequel on pouvait lire \"on se connait ?\", attrapa le premier teeshirt propre qui lui passa sous la main, puis fila sans attendre vers sa cuisine, afin de composer son plateau télé.<br>Rassasiée, elle se posa quelques minutes à sa fenêtre, le temps de griller une cigarette. Elle prit le temps de profiter de ce moment particulier qu'elle aimait tant, laissant ses pensées s'envolaient aux bras de ses volutes de fumée. Puis lui vint l’envie de relire la lettre de Lilie.</p><p></p><p></p><p class='italique'>« Coucou ma belle !</p><p class='italique'>Bientôt quinze jours que tu ne me donnes plus de nouvelles ! Laisse-moi deviner… Non, mieux, je te fais un QCM :</p><p class='italique'>A. Tu as eu un accident, tu t’es réveillée à l’hôpital et en parfaite amnésique, tu ne te souviens plus ni de mon existence, ni de ton nom (je t’aide, ton nom, avant ton opération c’était Yannick, mais après les implants mammaires et le traitement hormonal, on s’est dit que Nikki ça collerait mieux avec tes gros seins ! Oui, ceux-là même que je te jalouse !)</p><p class='italique'>B. Tu as rencontré un homme sublime et très riche un soir à la Rhumerie. Les trois litres de rhum que tu as certainement sirotés ont réussi à te décoincer au point de lui adresser la parole. Ensuite tu ne te souviens plus de rien jusqu’à ce que tu te réveilles, échevelée et le crâne en feu… Et là, tu sirotes encore un rhum, mais sur une plage de Copacabana !</p><p class='italique'>C. Tu l’as revu, il est reparti et tu passes tes soirées en guenilles, à bouffer n’importe quoi devant ta télé…</p>"],
["<p class='italique'>Appelle-moi, je me fais du souci. Et puis je t’ai trouvé un nouveau prétendant ! Bien sous tous rapports, beau, un petit cul à croquer, drôle… Bon ok, le dernier était un peu lourd... mais super bien foutu, tu ne peux pas le nier. Non, celui-là est super bien ! Je t’assure. Il faut absolument que tu viennes me voir, j’organise un diner et on te marie !</p><p class='italique'>De mon côté tout va bien, Job m’a dit qu’il m’emmènerait à Montréal cet été si son éditeur lui prenait son dernier manuscrit. Du coup, j’ai instauré une nouvelle règle : No sex en dessous de 10 pages par jour ! Depuis le temps que je rêve d’y aller…</p><p class='italique'>Donne-moi des nouvelles Nikki, tu me manques.</p><p class='italique'>Pleins de bisous,</p><p class='right italique'>Lilie »</p><p></p><p class='center'>*</p><p class='center'>* *</p><p></p><p>Lorsque le cauchemar fut assez insupportable pour que Nikki s'en échappe, le corps ruisselant de ses terreurs oniriques, les aiguilles de sa montre indiquaient 3h40. Elle abandonna simplement le moelleux de son canapé, sans même prendre un instant pour se remettre de son réveil brutal.<br>Elle avait tant de fois éprouvé ce mal-être qu'il avait fini par lui sembler aussi naturel qu'une gorge asséchée ou une envie pressante qui vous tire du sommeil pour être satisfaite.<br>Elle dut littéralement trainer son corps jusqu'à sa chambre, avec, à sa suite, la couette sous laquelle elle s'était réfugiée pour sa soirée séries. Un corps dont la vie semblait s'être échappée, à l'instar des monstruosités de <i>The Walking Dead</i> devant lesquels elle avait fini par s'endormir.</p><p>Elle réunit le peu de force qui lui restait pour jeter sa couette sur son lit, et se laissa tomber sur son matelas Tempur hors de prix, sensé, au dire du vendeur prolixe qui lui en avait venté les mérites, soulager ses maux de dos et lui assurer des nuits réparatrices.<br>Foutaises ! Son esprit trentenaire se réveillait chaque matin affublé d'un corps en fin de carrière...<br>Elle retourna à son sommeil l'esprit vide, sans même conjuguer l'espoir d'échapper à un nouveau cauchemar...</p>"],
["<p class='center'>*</p><p class='center'>* *</p><p></p><p></p><p>- Un expresso macchiatto et un muffin s'il vous plaît.<br>- Sur place ou à emporter ?<br>- Sur place.<p><p>Une journée sans son délice caféiné ne pouvait être, pour Nikki, une journée tout à fait parfaite. Aussi avait-elle l'habitude de se rendre, chaque fois que cela lui était possible, dans son temple du café bio, où crème maison, arabica et muffins ravissaient ses papilles.<br>Elle savait pertinemment que sa première gorgée lui brûlerait les lèvres. Mais elle savait également qu'après cela, un nouveau monde s'ouvrirait à elle, effaçant spleen et cauchemars du jour ou de la nuit précédente.<br>Elle croqua à pleines dents dans son muffin, sortit un bloc note et un stylo de son sac, puis, ayant reposé délicatement son gâteau, commença à griffonner la réponse qu'elle enverrait à Lilie. Elle n'aimait guère se lancer directement sur son papier à lettres. Elle pensait plus vite qu'elle ne pouvait écrire, ce qui la conduisait généralement à raturer ses phrases. Elle considérait les lettres manuscrites comme de beaux objets qui devaient être soignés. Si ce n'était dans le fond, qu'au moins ce le soit dans la forme. Il lui arrivait parfois de froisser une dizaine de pages, simplement parce qu’elle n’était pas entièrement satisfaite de la qualité de son écriture.</p><p class='center'>*</p><p class='center'>* *</p><p>Julien Panéa n’était pas vraiment à sa séance. Il écoutait vaguement les griefs amers d’un jeune homme écrasé par la figure paternelle.</p><p>Ce dernier se voyait systématiquement saisi d’angoisses insurmontables, chaque fois qu’il pénétrait dans le nouveau restaurant dans lequel il avait investi argent et avenir. Restaurant. Reste au rang. Son travail le remettait systématiquement face à l’injonction paternelle symbolique, lui commandant de rester à sa place pour ne pas dépasser le père. Panéa en avait suffisamment entendu. Il se contentait de répéter à l’occasion des silences de son patient, ses habituelles « associez librement », espérant ainsi, non seulement faire parler l’inconscient de son analysant, mais surtout que ce dernier puisse s’entendre.</p>"],
["<p>Non, Panéa n’était pas vraiment à sa séance. Il ne pensait qu’à la suivante. Qui se présenterait aujourd’hui ? Nikki ou Lilie ? Le rendez-vous avait été pris par Lilie, mais il se demandait ce qu’il devrait faire si c’était Nikki qui quitterait sa salle d'attente. Il ne pouvait pas souligner l’erreur de rendez-vous sans risquer de provoquer d’énormes dégâts.</p><p>- …mon chien à dresser. Il a appris à répondre à trois ordres hier. « Assis », « Aux pieds » et « À ta place », il a…<br>- Bien !</p><p>Panéa ne trouverait pas meilleur moment pour interrompre la séance. « À ta place » ! Le jeune homme l’aura-t-il seulement entendu ?<br>Après avoir raccompagné son patient à sa porte, Panéa constata qu’il avait une dizaine de minutes devant lui avant l’heure de son prochain rendez-vous. Il en profita pour monter à l’étage, là où se trouvaient ses appartements. Il s'y servit un rafraichissement puis passa un coup de fil à son épouse. Il devait la prévenir qu’il rentrerait plus tard que prévu le soir même, sa conférence ayant été retardée pour des raisons logistiques.<br>Ceci fait, il redescendit pour aller ouvrir la porte de sa salle d’attente.</p><p>- Bonjour monsieur Panéa !</p><p>Au ton de ce « bonjour », l’analyste su immédiatement qu’il avait affaire à Lilie. Nikki était beaucoup plus réservée, beaucoup plus dans la retenue. Ses « bonjours » ressemblaient plus à des « excusez-moi de vous déranger ».</p><p>- Bonjour Lilie. On y va ?<br>- Je vous suis !</p><p></p><p class='right'><i>(Fin de l'extrait)</i>"],
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auteur: "FM®",
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["<p class='center'>(Roman - Extrait)</p>"],
["<p></p><p></p><p class='chapitre'>Confessions</p><p></p><p></p><p><i>« Fides suadenda non imponenda ».</i> La foi doit être persuadée, non imposée…</p><p>C’est avec ces mots empruntés à Bernard de Clairvaux que le père Antoine avait coutume d’achever chacun de ces enseignements. Au terme de ses interminables prêches, durant lesquelles il s’évertuait à nous transmettre l’essence du message christique, il avait coutume de plonger ses yeux pâles au bleu délavé par les ans dans chacun de nos regards. Puis il ajoutait tout en nous désignant la porte de sa main ouverte : « N’oubliez jamais cela ».</p><p>J’ai traversé mon noviciat en faisant de cette maxime un véritable sacerdoce. Après tout, si Dieu avait voulu que la foi fût imposée, il n’eut pas permis à l’homme de goûter au fruit de la connaissance. Pas plus qu’il eût consenti aux Pharisiens à détourner sa Loi.</p><p>Bien plus que la vie elle-même, le libre-arbitre est sans conteste le plus magnifique présent que le Très Haut ait offert à ses créatures.</p><p>Je veux faire de ma mort un hommage à cette bonté.</p><p></p><p class='separateurs'><p></p><p>Ils n’auront pas à violer mon âme. Je n’aurai à affronter aucune de leurs ignominies…</p><p>Après quelques siècles de silence, la Bête est venue répandre à nouveau ses clameurs sur la chrétienté. Bien sûr, elle nous est revenue fardée, rejetant avec force le nom qui, naturellement, vint aux lèvres des premiers « impies » : La Sainte Inquisition. Ceux qui persistent à la nommer ainsi goûtent aux cellules de la repentance ; des geôles ténébreuses dont on ne peut sortir qu’en réclamant la confession publique. « L’égaré » doit avouer avoir goûté au plaisir malsain de l’hérésie, s’en repentir publiquement, pour enfin se soumettre à la pénitence des Pères.</p>"],
["<p></p><p>Tous ceux qui, après avoir recouvré la liberté, parjurent leur nouvelle allégeance au Saint Tribunal, sont à nouveau conduit entre ces murs sombres et sans fenêtres. Seulement, l’unique délivrance qu’ils peuvent dès lors espérer, est celle que seul Dieu peut leur offrir : la mort.</p><p>Au fil du temps, les cris de ces malheureux finissent par s’unir aux gémissements empreints de folie des « Damnés », ces malheureux ayant préféré laisser leur raison se perdre dans la pénombre de ces isoloirs plutôt que de courber l’échine devant le malin.</p><p>Les chrétiens du Nouvel Ordre durent, sans attendre, afficher avec respect leur déférence envers le Saint Tribunal du Jugement Premier. Pour un temps, ils le firent sans contrainte. A force de corruption et d’iniquité, politiques et gouvernements avaient perdu tout plébiscite. Aussi, lorsque l’Eglise proposa aux peuples la loi juste et immaculée d’un gouvernement divin, ceux-ci y virent l’espoir d’un avenir meilleur.</p><p>Les premiers temps, tous furent aveuglés par le voile aux reflets humanistes que le Saint Tribunal avait pris soin de revêtir. Nul ne vit poindre l’immonde dissimulé derrière les apparats séduisants du déchu.</p><p>Aujourd’hui, il n’est plus besoin d’hurlements ou de sang versé afin d’obtenir des aveux. Le Saint Tribunal a substitué aux abjects supplices, les drogues libératrices et autres scanners spirituels. Les avancées technologiques ont offert aux bourreaux des mains propres. Cependant, leurs œuvres restent entachés d’infamie. Ils violent nos consciences, déchirent nos esprits afin d’en arracher nos moindres pensées, souvenirs ou émotions.</p><p>Cette épreuve du Dévoilement, ainsi qu’ils la nomment, est indolore. Pourtant, les traces qu’elle laisse, contrairement aux plaies des anciennes tortures, ne peuvent cicatriser.</p><p></p><p></p><p class='separateurs'><p></p><p></p><p>Ce jour-là, mon homélie portait sur l’Epître de Paul aux Romains.</p>"],
["<p>- J’entends ci et là s’élever des voix pleines de colère. Pleines d’un sentiment d’injustice. Pleines de haine parfois… Et toutes visent le Saint Tribunal. Pourtant, depuis qu’il gouverne nos vie, le crime ne connaît plus l’impunité ; chacun de vous peut en être témoin, nul ne se retrouve derrière les barreaux des prisons sans un procès équitable, quelle que soient ses origines, sa condition sociale ou sa confession. A-t-on jamais connu, au cours de notre histoire, un sentiment de sécurité si solide ? Voyez ce que vous offre la Cité de Dieu… Voyez ce que vous offre son bâtisseur, le Saint Tribunal… Certains d’entre vous me diront que celui-ci se substitue au jugement de Dieu lorsqu’il exécute les condamnés. A ceux qui pensent ainsi, je le dis : souvenez-vous des paroles que Paul adressa aux romains. « <i>Que chacun se soumette aux autorités en charge. Car il n’y a point d’autorité qui ne vienne de Dieu, et celles qui existent sont constituées par Dieu </i>».</p><p>Je vis un homme se lever. Il s’approcha de l’autel, lentement sans pour autant manquer d’assurance. Son regard semblait s’être emparé du mien, me plongeant dans ce mutisme attentif qu’autrefois nous imposaient les yeux du père Antoine.</p><p>Il se saisit fermement de la précieuse étoffe couvrant l’autel, sur lequel reposaient Livre Saint, Calice, crucifix et encensoir. D’un geste vif, dépourvu de toute retenue, il arracha la sainte nappe sans autre précaution, pour enfin la présenter aux fidèles. Interdit, j’eu le plus grand mal à détourner mes yeux du sang du Christ répandu, échappé du calice renversé.</p><p>Après avoir longuement exhibé l’étoffe, il s’en couvrir les épaules tout en s’adressant à mon auditoire.</p><p>- Et Paul dit aux Corinthiens : « Ces gens-là sont de faux apôtres, des ouvriers trompeurs, qui se déguisent en apôtres du Christ. Et rien d’étonnant : Satan lui-même se déguise en ange de lumière ».</p><p>Il fit face à l’assemblée, ouvrant les bras comme s’il voulait que chacun puisse admirer son tout nouveau costume. Puis il se tourna vers moi.</p><p>- Prends garde berger ! Tu œuvres à rassembler ton troupeau, mais ton chemin le conduit au beau milieu d’un désert où il n’est nul point d’eau.</p><p>Ce furent les premiers mots qu’il m’adressa.</p><p></p><p class='separateurs'>"],
["<p>Mon existence toute entière repose entre mes doigts ; dans cette plume dont l’encre sèche au-dessus des pages de ma confession. Avouer mon aveuglement, regretter mes actes, parjurer mes dires, renier Le Prophète et implorer le repentir public. Voilà à quoi je dois user mon encre. Alors seulement j’échapperai au procès. Dans son immense bonté, le Tribunal pardonnera mon égarement et me libérera de ses geôles. Bien sûr, je perdrai ma paroisse. Je serai très certainement détaché à l’Eglise des Pères exégètes. Là, j’assisterai un des Pères dans ses recherches ; que je puisse retrouver la Voie, comprendre mes erreurs.</p><p>Après sept années d’aide et d’examens, il me sera permis de me présenter à l’ordination exégétique. Puis, au terme des sept années suivantes, je viendrai à mon tour gonfler la communauté des Pères.</p><p>Une vie toute tracée, me conduisant vers les sommets de l’Eglise. Voir se réaliser ce qui depuis toujours a nourri mes espoirs. Mon désir le plus cher. Tout cela aux bouts de mes doigts.</p><p>Pourtant je vais mourir. Le procès s’achèvera à la lecture d’une sentence couperet, dépourvue de toute surprise. On ne peut échapper à la mort lorsque l’on confesse son hérésie tout en refusant de s’en repentir.</p><p>Je sais que je ne souffrirai en rien. L’exécution est indolore. On m’épargnera même les tourments de l’angoisse. Ils me drogueront afin de me faire oublier mon avenir. Que je ne puisse plus penser à ma fin.</p><p>Ils viendront bientôt chercher ma confession. Je leur tendrai une feuille vierge afin que s’accomplisse sa prophétie : « Le dernier n’échappera pas à la justice des hommes. De ses mains naîtront les onze âmes qui déchireront les cieux afin que sa Voix puisse être entendue ».</p><p>- Frère, as-tu terminé ta confession ?<br>- Mon âme est ma seule Eglise. Je n’ai rien de plus à confesser.<br>- As-tu pleine conscience de ce que cela implique ?<br>- Les semeurs peuvent bien périr après les semailles. Mon corps viendra fertiliser les graines qui finiront par germer… Inexorablement.<br>- Qu’il en soit ainsi.</p>"],
["<p></p><p class='chapitre'>Le procès</p><p></p><p></p><p>Le silence pesant qui accueillit mon arrivée dans la salle du Jugement me fit frissonner. J’avais face à moi les regards accusateurs, compatissants ou encore indifférents d’une foule venue assister à ma condamnation.</p><p>Les procès ne se déroulaient jamais à huis clos. Chacun pouvait ainsi témoigner de leur équité. Bien sûr, un silence absolu était de rigueur. Car si elle pouvait assister aux débats, il n’était en aucun cas permis à l’audience de manifester quoi que ce fût.</p><p>Je fus conduit jusqu’à un siège faisant face à mes futurs juges. Un des deux Gardes de Dieu qui assuraient ma « protection » me fit signe de m’asseoir. La chaise était austère et très peu confortable. Le souvenir de mon hospitalier fauteuil d’office me tira un sourire. Qu’adviendrait-il du moelleux de ses velours usés, des boiseries de ses accoudoirs patinés…</p><p>Avant d’être oint par le Prophète, j’y passais le plus clair de mon temps. J’y recevais mes paroissiens, j’y étudiais la catéchèse, et parfois même m’y assoupissais. La réminiscence de cette délicatesse mobilière était bien agréable. Pourtant, en dépit de tout, je n’aurais échangé ces sièges pour rien au monde. Le chemin parcouru depuis ces aisances a été si riche, si intense, que mon âme vit aujourd’hui dans un confort que rien en ce monde ne pourrait égaler.</p><p>On ne m’accorda guère de temps pour nourrir mon âme de ces apaisants souvenirs. Une porte s’ouvrit, laissant apparaître les Juges du Saint tribunal. La foule se leva, laissant échapper un dernier et très léger murmure.</p><p>Une voix puissante vint violemment briser le silence.</p><p>- Peuple de la Cité de Dieu, voici le Saint tribunal du Jugement Premier. Si l’un d’entre vous conteste sa légitimité, qu’il parle maintenant, ou qu’il se taise à jamais.</p><p>Après quelques secondes de silence, un des Juges frappa violemment le sol de son sceptre.</p>"],
["<p>- Moi, Ghislain Sargosse, déclare ouvert le procès du père Adrien au Saint tribunal du Jugement Premier</p><p>Ainsi avaient-ils dépêché Ghislain Sargosse à la présidence de mon procès. Le visage infâme du vieillard qui avait fait exécuter tous mes frères me semblait encore un peu plus abject. Par orgueil sans doute, il n’avait jamais pu se résoudre à raser les quelques cheveux devenus trop rares qui zébraient la peau partiellement dépigmentée de son crâne buriné. Quant à son regard… son œil, déformé par la malice, semblait transpercer ceux qui d’aventure se mettaient en tête de le défier. Maintes fois j’eu l’occasion de croiser ce bleu délavé, sans pour autant trouver dans ses yeux autre chose que la dureté d’une haine sadique. Sa toge dissimulait un corps chétif, usé et courbé par les ans, inspirant plus de pitié que d’effroi. Pourtant, à l’évocation de son nom, les visages pâlissaient, les lèvres se fermaient et les yeux se baissaient.</p><p>Il faisait partie des Anciens ; de ceux qui avaient œuvré à l’avènement de la Cité de Dieu. Des sept premiers gouverneurs des âmes, il était le seul encore en vie. Après avoir établi le Livre des Nouvelles Lois et gouverné quelques décennies sur le Royaume, il avait préféré conduire la chasse à l’hérésie, se plaçant lui-même au sommet hiérarchique du Saint Tribunal. Depuis quelques années, il n’officiait plus guère, ne présidant plus qu’en de rares exceptions. Il passait le reste de son temps à attendre avec impatience que sonne sa dernière heure, et avec elle la délivrance des souffrances insoutenables du mal qui depuis des années rongeait son corps.</p><p>Il avait prononcé les sentences qui avaient conduit à l’exécution de tous les miens. Il y eut d’abord le Prophète, Daniel et Mathéo, puis le vieil Augustin, Paul le pieu et le grand Guillaume. Puis il fit périr David, Gauthier, Joël le bienheureux ainsi que son frère Yann, Alain l’incrédule et enfin Virgile le lettré. Mon nom viendrait achever cette macabre liste.</p><p>Il fit signe à la foule de s’asseoir. Un de mes gardiens m’attrapa le bras lorsqu’à mon tour je fis mine de rejoindre mon siège. La bienséance voulait que je fisse face à mes juges debout pour entendre l’accusation.</p><p>- Père Adrien. Vous êtes face au Saint Tribunal du Jugement Premier afin de répondre aux crimes suivants : trahison, parjure, trouble de l’ordre publique, sédition, association hérétique et enfin hérésie. Comprenez-vous ce qui vient d’être dit ?</p>"],
["<p>- Je le comprends…<br>- Reconnaissez-vous avoir commis ses crimes ?<br>- Oui.<br>- Implorez-vous le repentir public pour ainsi sauver votre âme ?<br>- Non… Les actes qui me sont reprochés ici sont justes aux yeux du Très Haut. C’est à la justice de Dieu que je me soumets. Celle que vous prétendez rendre n’est en réalité qu’une farce impie.</p><p>La foule laissa échapper un murmure étouffé, auquel Ghislain Sargosse opposa un hurlement puissant. Si puissant… Je m’étonnais même qu’un tel cri eut pu sortir d’un corps si souffreteux.</p><p>- Silence !</p><p>A l’assourdissante invective de Sargosse, je vis chacune des têtes de l’assemblée s’incliner, espérant échapper au regard inquisiteur du Premier Juge.</p><p>- Qu’il en soit ainsi père Adrien. Avez-vous pleine conscience des risques auxquels vous serez exposés si le Saint Tribunal vous reconnaît coupable ? Vous y perdrez la vie…<br>- Je ne puis perdre ce qui ne m’appartient pas. Tout au plus pourrais-je la rendre à mon Très Haut Père qui me l’a offerte. Et si votre question est en réalité : « Avez-vous conscience que le Saint Tribunal du Jugement Premier vous exécutera au terme des audiences ? », la réponse est « oui ».<br>- Qu’il en soit ainsi. Nul ne pourra dire que le Royaume n’a pas tenté de sauver votre âme. Vous pouvez vous assoir… Saint François, vous avez la parole.</p><p>Ghislain Sargosse n'appréciait guère entamer les interrogatoires. Il préférait les laisser conduire par un autre. Cela lui permettait de concentrer toute son attention, non seulement sur les réponses des accusés, mais surtout sur leurs réactions à l’écoute des questions. Il épiait sa proie, espérant trouver une faille dans laquelle s’engouffrer. Lorsqu’il pensait en déceler une, il sortait de son mutisme, arborant un sourire victorieux. Je l’avais vu procéder ainsi lors des procès du Prophète et du vieil Augustin.</p><p>Prenant soins de jeter un dernier regard à ses notes, Saint François se leva tout en retirant ses lunettes.</p><p>Il était jeune, bien trop jeune pour appartenir au Saint Tribunal ; et d’une beauté rare. Ses mouvements lents et sereins faisaient de lui un homme inspirant confiance.</p>"],
["<p>Sargosse était son mentor. A la mort de Saint Gilles, il avait lui-même réclamé l’admission du père François au sein du Tribunal. Nul dans le royaume n’ayant jamais osé s’opposer à Ghislain Sargosse, son protégé fut donc oint et canoniser. L’emprise qu’avait Sargosse sur Saint François était tangible. Au fils des années, le vieux démon malingre avait conquis le jeune esprit comme un vers vient prendre l’intérieur d’une pomme ; la rongeant jusqu’à ce qu’elle pourrisse.</p><p>Lorsque je le regardais, je comprenais tout le sens des premiers mots du Prophète. Il était bien là, devant moi, ce Satan grimé en ange de lumière.</p><p>- Père Adrien, avez-vous connu l’homme se faisant appelé le « Prophète » ?<br>- Oui<br>- Et allez-vous enfin consentir à nous révéler son nom ? Il est grand temps que l’on cesse d’employer ce titre usurpé !<br>- Le peuple le nommait ainsi… J’avoue ne pas connaître son nom.<br>- Vous voulez nous faire croire que jamais vous ne lui avez demandé ?<br>- Si, à maintes reprises. Mais il avait coutume de nous répondre : « Qu’importe qui je suis. Demandez-vous ce que je suis, et d’où proviennent les mots qui sortent de ma bouche. Je suis le Verbe, sans être le Fils, celui qui annonce ce qui sera. Et cela n’a pas de nom. »<br>- Cela vient confirmer ce que savions déjà, père Adrien. Le sacrilège de cet homme fut, entre autres crimes, une raison majeure à sa condamnation devant cette même Cours. J’attire l’attention du Saint Tribunal sur la pleine conscience du père Adrien quant aux aspirations blasphématoires de … cet homme. Il se faisait passait pour le Verbe, le nouveau messie ressuscité… et le père Adrien l’a suivi.<br>- « Je suis le Verbe sans être le Fils », disait-il. Il n’a jamais prétendu être le Christ.<br>- Le peuple l’a pourtant cru !<br>- Non. Le Saint Tribunal a eu peur que l’on voit en lui un messie venant libérer le peuple de sa bienveillante servitude. Pourtant les foules ne voyaient en lui qu’un nouveau Jean le Baptiste, un Elie ressuscité. S’il en avait été autrement, père François, ils ne l’appelleraient pas le Prophète, mais Jésus, Joshua, le Messie ou encore…<br>- Veillez à ne pas oublier qui je suis, père Adrien. Prenez garde à me nommer comme il sied : Saint François !</p><p>Je ne pus retenir mon sourire. Un affront pour le jeune disciple de Sargosse qui, pour ne pas céder à la tentation d’une irritation déstabilisatrice, tourna le dos à l’assemblée, feignant prendre les quelques instants silencieux qui parfois précèdent une question habile. Je vis les muscles de ses mâchoires se tendre.</p>"],
["<p>Sargosse ne fut pas long à réagir. Je le vis poser ses mains sur son pupitre, s’apprêtant à se lever. Il dû pourtant renoncer à cette idée, vaincu par la douleur. Ne laissant échapper qu’un imperceptible rictus, il vint tout de même au secours de son disciple en brisant le silence devenant pesant.</p><p>- Au moins éviterez-vous au Saint Tribunal ses efforts à démontrer vos liens avec ce Fils du Malin. Il fut bien un Messie, le Verbe incarné et envoyé parmi les hommes. Mais il n’y a là nulle œuvre de Dieu. Une simple et nouvelle manifestation de Satan. Cela fut démontré et condamné.</p><p>Son regard vint se poser sur celui de Saint François. Ce dernier, nourri par l’assurance dont les mots de Sargosse étaient empreints, compris qu’il était temps pour lui de reprendre l’interrogatoire.</p><p>- Puisque vous l’avouez sans contrainte, père Adrien, pouvez-vous rapporter au Saint Tribunal les circonstances de votre première rencontre ?<br>- J’officiais en ma paroisse. Je me souviens avoir prêché ce jour-là pour que mes fidèles gardent confiance en Vous. Je citais l’Epître de Paul sur la légitimité divine des autorités en charges… Je le vis se lever ; se diriger lentement vers mon autel. Il en arracha violemment l’étoffe, renversant tout ce que j’y avais placé. Je me souviens avoir été horrifié lorsque je vis la Pâque souillée, dispersée sur le sol.<br>- N’avez-vous point vu en cela l’œuvre du Diable ?<br>- Si… J’en fus même pétrifié.</br>- Allons, père Adrien, admettez que votre esprit fut troublé. Comprenez que ces forces occultes se sont emparées de votre âme. Accordez-vous le pardon du Très Haut en reconnaissant que tous vos actes, vos paroles et pensées furent dès lors dictés par le Malin. Et cela à l’encontre de votre conscience. Parjurerez ces forces du mal qui vous ont dupées.<br>- Non, Saint François. Ses premiers mots balayèrent mes craintes. Quant au regard qu’il posa sur moi… Il éclaira mon esprit, comme s’il avait déchiré le voile opaque qui couvrait mon âme… Paré de la belle étoffe de l’autel, il ouvrit ses bras à l’assemblée afin que tous puissent voir à travers lui la véritable nature des Papes, voilée, tout comme lui devant nous, par leurs robes resplendissantes… Certains en furent effrayés au point de fuir mon église, de crier au sacrilège ou de se couvrir les yeux afin de ne plus voir. Mais chacun des esprits présents fut ouvert à la vérité. Ceux qui l’ont refusée craignaient sans doute bien plus les représailles tyranniques du Saint Tribunal que la puissance divine elle-même.</p>"],
["<p>- Tyrannie ? Père Adrien, votre esprit s’est-il à ce point assombri pour oublier que ce fut grâce à l’avènement du Royaume que l’humanité a pu s’arracher aux gouvernements tyranniques de ce monde ?<br>- Les apparences peuvent parfois se révéler trompeuses…<br>- La parole de Dieu ne peut toutefois pas l’être. Votre homélie sur l’Epître de Saint Paul était forte à propos. Et permettez-moi de vous rappeler, père Adrien, que cette Cours ne s’est pas réunie afin de juger de la tyrannie des Papes, mais bien de vos conduites hérétiques. Souvenez-vous en…et continuez, je vous prie… Après cette bruyante et théâtrale démonstration, avez-vous manifesté la moindre indignation ?<br>- Non.<br>- Non ! répéta-il en agitant une feuille de papier au-dessus de sa tête. Ainsi qu’en atteste le témoignage du citoyen Théodore Frulice, vous êtes resté, je cite, « immobile, silencieux » et même « fasciné par le mécréant qui troublait la messe ». Père Adrien, diriez-vous que le sieur Frulice a commis en ce témoignage un parjure ?<br>- Non, tout cela est vrai. Je l’ai regardé jeter l’étoffe à terre, puis s’éloigner. J’ai voulu le rattraper avant qu’il ne quitte mon église, simplement pour lui demander qui il était : « Je ne suis pas ; je dis, m’a-t-il répondu. Et si tu veux encore entendre, alors il te faudra me suivre ». Ce que je fis, laissant derrière moi mon église, ma paroisse, mes fidèles et ma messe inachevée. Je pris simplement soin de ramasser les Saintes Ecritures dont la couverture était entachée par pain et le vin de la Pâques renversée.<br>- Autrement dit, après que le furibond ait interrompu l’office, souillé la Pâques ainsi que les fidèles de par ses propos blasphématoires, vous l’avez simplement suivi&sbnp;?<br>- Je n’aurais pas pu trouver de mot plus juste, <i>Saint</i> François. Je l’ai suivi <i>simplement</i>.<br>- Et où vous a-t-il conduit ?<br>- Et bien nous restâmes d’abord en retrait, à quelques mètres derrière lui.<br>- Nous ?<br>- L’assemblée entière fut touchée par l’intervention du Prophète. Plus tard, lorsque je pus revoir mes anciens fidèles, beaucoup d’entre eux m’avouèrent ne pas avoir eu le courage de nous suivre. Je crois que l’œuvre… si magistralement efficace de Ghislain Sargosse, fut plus <i>convaincante</i> que la mystérieuse révélation qui leur fut offerte.</p><p>Le visage de Sargosse s’illumina d’un sourire malin. Ses yeux me fixèrent puis sa tête s’inclina, singeant la marque d’un remerciement.</p>"],
["<p>- <i>Convaincante</i>, Père Adrien. Mais pour autant moins tentante que celle de Satan ! Et la faiblesse de votre foi n’a pas seulement entraîné votre perte ! Mais également celle de vos brebis les plus fragiles !<br>- Il est vrai que je ne fus pas le seul à abandonner toute résistance ce jour-là. Mais Daniel et Mathéo, tout comme moi, s’ouvrirent au Verbe et non à la malveillante tentation du Malin.<br>- Il appartiendra à ce Tribunal d’en juger, Père Adrien, lança Sargosse… Veuillez me pardonner cette interruption, Saint François. Poursuivez votre interrogatoire je vous prie.<br>- Vous avez dit au Saint Tribunal avoir suivi le mécréant accompagné de Daniel et Mathéo. Aviez-vous déjà rencontré ces deux hommes ?<br>- Je les connaissais bien. J’avais l’occasion de m’entretenir avec eux chaque jeudi soir. En accord avec le Conseil de la Citée, j’avais mis en place un atelier de parole auquel pouvaient participer mes paroissiens. Le Conseil voyait en ces réunions informelles l’occasion de mieux entendre et comprendre les motifs qui parfois faisaient s’égarer les plus fragiles d’entre nous. Daniel et Mathéo ne manquaient jamais nos réunions.<br>- Je rappelle au Saint Tribunal que ces deux hommes ont été jugés et exécutés pour hérésie, reconnaissant avoir œuvré pour le compte du démon qu’ils suivaient. Père Adrien, pouvez-vous nous dire qui Daniel et Mathéo pensaient suivre ?<br>- « Il est le Messie ressuscité ! » ne cessait de me dire Mathéo avec tout l’enthousiasme qui le caractérisait. Daniel, quant à lui, semblait préoccupé, replié sur lui-même. Après quelques minutes de marche silencieuse, il finit par nous demander si le Prophète avait ouvert nos yeux ainsi qu’il avait ouvert les siens. Je vis dans son regard qu’il avait enfin trouvé ce qu’il cherchait depuis toujours. Cela même qu’il tentait de me décrire inexorablement lors de nos échanges du jeudi soir. « Vous voyez Père Adrien, je savais qu’Il ne nous abandonnerait pas aux mains des faux Papes ! Vous comprenez maintenant ? ».<br>- Mais vous, Père Adrien, continua Saint François, pensiez-vous être en présence du Messie ressuscité ?<br>- A vrai dire, je ne savais pas quoi penser. J’étais littéralement bouleversé. Tous mes repères s’étaient écroulés en seulement quelques secondes. Il fallait que je lui parle, qu’il me dise pourquoi je me trouvais là ; qu’il me dise quelle force m’avait poussé à tout abandonner pour suivre un inconnu.</p><p></p><p class='right'><i>(Fin de l'extrait)</i>"],
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auteur: "FM®",
titre: "Job O. Simaurre",
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["<p class='center'>(Nouvelle - Extrait)</p>"],
["<p></p><p></p><p></p><p class='chapitre'>Acte I</p><p></p><p>De tous les savoirs que mon esprit avide a su faire siens, il en est un que je suis seul à posséder. Je sais être, aujourd’hui, la seule personne qui connaisse véritablement Job O. Simaure. J’irais même jusqu’à dire être le seul à savoir réellement qui il est. Il est ma créature…</p><p>Ce qui me sépare du Dr Frankenstein réside simplement en l’absence de projet. Lorsque ma thèse de médecine soutenue, j’ai rédigé mes premiers travaux de recherche, jamais je n’aurais pensé être un jour le creuset duquel jaillirait l’avancée la plus significative du vingtième siècle.</p><p>Il est ma créature… Depuis cette nuit glaciale de février, je n’ai eu de cesse de maudire ma faiblesse. Celle-là même qui me conduisit à me placer, de part cet ignoble serment, du côté de la vie. La maîtrise de l’homme a fait de la philosophie d’Hippocrate un véritable non-sens.</p><p>Job fut certainement le plus brillant de mes élèves. De toutes les promotions qui précédèrent la sienne, jamais personne n’avait manifesté pour mes travaux un tel engouement, pas même les membres ô combien honoraires de la Commission Ethique de la Recherche Scientifique. J’aurais pu ne jamais le rencontrer. En ce début d’année universitaire 1994, je reçus un courrier du C.E.R.S. m’invitant à une réunion exceptionnelle avec les membres chargés du contrôle de mon laboratoire. Je me souviens avoir tout tenté afin de les persuader. En vain. Au sortir de la commission, le président me remit l’invalidation des accords concernants à la fois la poursuite de mes recherches et des mes expérimentations. J’obtins simplement de pouvoir achever l’enseignement entamé avec la nouvelle promotion, celle-là même à laquelle appartenait mon futur prodige.</p><p>J’étais pourtant si près du but. Bien sûr, aucun de mes rats n’avait jamais survécu aux transplantations, mais nous progressions chaque jour un peu plus. Je me souviens encore aujourd’hui de la douleur qui brûla mes entrailles lorsque, rentré chez moi, je relus la conclusion officielle du C.E.R.S. : <i>« Compte tenu de l’absence tangible de résultats, l’investissement gouvernemental que représente la subvention des recherches concernant la transplantation cérébrale semble vain. En conséquence de quoi… »</i>.</p>"],
["<p>En conséquence de quoi ? Misérables irréfléchis, comment aurais-je pu abandonner l’objet de mes recherches ?</p><p>Je me mis donc en quête du matériel nécessaire à la poursuite de mes expériences. Une tâche aisée pour un homme de science au service du département chirurgical de l’Université d’Etat.</p><p>Bientôt, les effluves des moisissures et des amas poussiéreux que le temps avait laissé sur les quelques bouteilles précieuses qui ornaient le fatras de ma cave, firent place à l’âpre et aseptisée odeur de l’éther.</p><p>Quelques semaines suffirent à réunir les éléments nécessaires à la poursuite de mes expérimentations. Par chance j’habitais à la campagne. J’étais tombé amoureux de cette maison de pierre ancienne posée au beau milieu d’une nature encore vierge de la frénétique colonisation des citadins. Les cris de mes singes se perdaient dans l’immense silence environnant.</p><p></p><p class='separateurs'></p><p></p><p>J’aurais dû prendre garde à l’intérêt manifeste que portait Job à l’exposition de mes travaux. Non pas que mes autres étudiants ne s’intéressaient pas à mes cours. Mais Job restait après chaque séance pour m’asséner mille questions concernant les résultats de mes expérimentations passées. Mon ego jouissait à ses interrogations. A tel point qu’un jour je l’invitai à venir chez moi prendre un thé afin d’aller un peu plus loin dans la transmission de mon savoir.<br>Quelle folie ! Je pensais avoir cru déceler en lui mon héritier intellectuel. Un peu comme un père espérant voir en son fils celui qui, après sa mort, ferait perdurer l’affaire familiale.</p><p>Les visites de Job se firent de plus en plus régulières. Au bout de quelques semaines, je le fis descendre dans ma cave. J’aurais dû savoir distinguer dans l’éclat de ses yeux la folie de l’admiration. Mais son exultation caressa mon orgueil et fit taire ma raison. Il devint très vite mon assistant.</p><p>Au bout de quelques semaines, Job restait la nuit. Il avait décidé de veiller les rats après les interventions.</p><p>« Je dois rester pour noter chaque comportement, m’avait-il dit, de manière à comprendre pourquoi ils n’y survivent pas. »</p>"],
["<p>Si bien qu’il commença à passer ses nuits dans la cave chirurgicale. Je le retrouvais souvent au petit matin, endormi sur sa chaise, face aux couveuses aménagées pour la circonstance en salles de réveil.</p><p></p><p class='separateurs'></p><p></p><p>Un matin, c’est lui qui me tira du lit. Il n’avait pas fait de bruit en entrant dans ma chambre. C’est sa présence qui me tira de mon sommeil. Lorsque j’ouvris les yeux, il prononça ces quelques mots à jamais gravés dans ma mémoire.</p><p>— Il vit.</p><p>Je me rappelle n’avoir pas pris le temps de me vêtir. Je pris tout de même soins d’enfiler une robe de chambre avant de courir derrière lui.</p><p></p><p class='separateurs'></p><p></p><p>Une quinzaine de jours furent nécessaires à Adam afin qu’il puisse se tenir sur ses pattes. C’est Job qui avait choisi le nom. Il le trouvait de circonstance.</p><p></p><p class='separateurs'></p><p></p><p>L’humeur de Job se dégradait. Bien sûr, les mois passaient et Adam se portait bien, mais aucun de nos singes n’avait jamais survécu plus de quelques heures. Il leurs donnait pourtant un nom à tous. Un peu comme s’il voulait conjurer le sort.</p><p>Puis une chose curieuse se produisit. Nous avions opéré Lucie en fin de journée. Job était bien sûr resté toute la nuit comme après chaque intervention. Au petit matin, la jeune femelle arracha son masque respiratoire. Job ne dormait pas, il vit Lucie s’arracher son masque et avec lui sa vie. Pourtant il ne fit rien. Il laissa Lucie faire. Nul médecin, aussi brillant qu’il put être, n’aurait donné plus de cinq minutes au pauvre animal sans assistance respiratoire. Pourtant le miracle se produisit. Lucie fut la première créature génétiquement proche de l’homme à survivre à une transplantation cérébrale. Ironie du sort, c’était l’oxygène qui les avait tués. Trop de vie tuait la vie.</p><p>Depuis ce jour, toutes les transplantations furent couronnées de succès.</p>"],
["<p class='separateurs'></p><p></p><p>Je me souviens encore du crissement de pneus qui me réveilla, au beau milieu d’une nuit de juin 1996. Lorsque j’ouvris la porte, je vis Job, couvert de sang, traînant sans ménagement le cadavre d’un inconnu.</p><p>— J’ai eu un accident ! Il n’est pas mort !</p><p>Nous le descendîmes à la cave. Ce n’est qu’après l’avoir allongé là où avait un jour séjourné Lucie que nos regards se croisèrent. J’aurais dû savoir que ce qui me traversa l’esprit alors pourrait ne plus quitter celui de Job. Ce n’est que lorsqu’il fut branché, que moniteurs nous annoncèrent la mort cérébrale, que je pris conscience de mes erreurs.</p><p>— Il est pour moi ! s’exclama Job.<br>— Pour toi quoi ?<br>— Le corps, il est pour moi !<br>— Tu es fou, Job. Laisse-moi examiner tes blessures.<br>— Mes blessures, on s’en fout ! Bientôt elles ne seront plus miennes. Rends-toi compte, nous avons là notre unique chance d’y arriver. Je serai le premier, Théo.<br>— Le premier quoi, Job ? Le premier monstre décérébré ? On ne sait rien des conséquences mentales ! Qui est Lucie, Job ? Est-elle encore ce jeune primate sur qui j’ai prélevé le cerveau ? Ou encore le corps dont j’ai comblé le vide ? Tout cela est insensé !</p><p/><p class='separateurs'></p><p></p><p>Les jours passèrent. Aujourd’hui encore je ne saurai trouver d’explication au fait que nous gardâmes le corps en vie sous assistance. Je ne me souviens pas avoir jamais pensé à prévenir la police. J’étais trop occupé à penser à Job. Entre nous s’était progressivement installé un mutisme pesant. Ça et là, au fil des jours, je l’entendais s’invectiver comme s’il avait besoin de se convaincre : « Je le ferai », « il est mon corps », « je serai moi »…</p><p>Puis il disparut. Je fus une semaine sans nouvelles. Les premiers jours, j’en fus presque soulagé, mais bientôt j’en vins à me demander ce qu’il pouvait bien faire. Cela faisait des mois qu’il n’avait pas quitté la maison. Il ne voyait plus ses parents depuis des années, et avait laissé sa femme aller voler vers d’autres caresses. Je l’avais vu souffrir, espérer, exulter, se morfondre en partageant sa solitude avec quelques rongeurs miraculés, nuits après nuits. La folie tourbillonnaire de ma quête m’avait rendu presque aveugle à sa déchéance…</p>"],
["<p class='separateurs'></p><p></p><p>Enfin il me donna signe de vie. Un coup de téléphone des plus bref. Il se contenta de me donner rendez-vous deux heures plus tard, dans une maison de campagne appartenant à ses parents. Je doutais qu’il ait pu en réclamer les clefs. Il avait dû sans doute en conserver un double. Il esquiva soigneusement toute forme de dialogue, se refusant à m’expliquer quoi que ce fût. Il raccrocha, m’assurant la découverte d’un événement sans précédant, s’assurant par-là même ma ponctualité certaine.<p/><p class='separateurs'></p><p></p><p>Seul un silence morbide répondit à mes appels. A peine entré, je fus saisi par l’atmosphère morne et glaciale de l’abandon, cette odeur si particulière de l’air trop peu respiré qui fige les espaces délaissés.</p><p>Le cadavre de Job conféra à la scène un élan macabre, proche du sublime. A ses pieds gisaient une seringue ainsi qu’un flacon au tiers empli de la drogue assassine.</p><p>Je me souviens avoir d’abord ramassé le mot laissé en évidence, plutôt que de m’être enquis de son état de santé. J’avais vu sa poitrine se lever. Je le savais vivant, et assez fort pour n’avoir rien omis qui puisse m’accorder quelque pouvoir sur sa mise en scène.</p><p>« Il ne te reste que quelques heures avant de pouvoir constater ma mort clinique. Nous y voilà, Théo, je t’offre l’autre partie du symbole, celle qui manquait à la réalisation de ton œuvre, de notre œuvre, maintenant. Tu ne te détourneras pas d’Hippocrate, et par-là même, m’accorderas ce que le Père nous a jadis arraché : l’immortalité. Tu approcheras la puissance divine, et moi, je serai alors ton Verbe. Et si mon esprit se perdait lors de l’opération, que je devienne un corps vivant plutôt qu’étant, je sais que le Très Haut ne retiendra pas ton bras comme il le fit pour Abraham. Il te reste six heures pour me rendre la vie, ne paresse qu’à la septième… ».</p><p>Je pris mon visage entre mes mains. Quelques secondes, juste le temps nécessaire à ce que je recouvre mes esprits. Puis, avant de laisser ma raison reprendre complètement le dessus, j’entrepris de porter le corps jusqu’à ma voiture. Je pris soin de ramasser seringue et flacon, afin de ne laisser aucune trace de son passage dans ces murs parentaux. Puis la course folle débuta.</p>"],
["<p class='separateurs'></p><p></p><p>Lorsque l’état de ma créature fut stationnaire, je pris plume et papier afin d’y consigner chaque instant de ce qui venait de se produire. Mon prodige. N’ayant pas pris le temps de me changer, mes notes, aujourd’hui encore, portent les stigmates de son sang.</p><p>Cette nuit là, ainsi que les trois qui suivirent, je m’installai sur le siège que Job avait coutume d’utiliser lors de ses veillées. Ce ne fut qu’au cours de la troisième nuit que le sommeil m’emporta.</p><p>A mon réveil, ses yeux me fixaient.</p><p>— Job ?<br>— Tu vois Théo, je n’ai pas perdu mon âme.<br>— Mon Dieu ! Je l’ai fait !</p><p>Dès lors, je me refusais à lui accorder ne serait-ce qu’un seul mot. Les semaines allant, Job, quant à lui, devint de plus en plus prolixe, m’enjoignant à me souvenir de qui j’étais devenu, de ce que j’étais devenu : « l’apôtre de la création, le nouveau père de l’immortalité… ».<p></p><p class='separateurs'></p><p></p><p>Puis il en vint vite à me parler d’elle. Quelques mots jetés, d’abord. Puis elle vint progressivement hanter son âme, jusqu’à ne plus laisser d’espace à quoi que ce fut d’autre. Elle s’empara de ses pensées, envahit son discours pour enfin faire naître en son esprit ce dessein diabolique : L’autre serait lui. Il serait celui qu’elle lui préférerait, il serait celui qu’elle laisserait souiller ses nouveaux draps, il serait l’Autre.</p><p>Elle serait prisonnière de lui ainsi qu’il l’avait été de son souvenir.</p><p>Il eut été inutile de lui souligner sa folie. Il était trop tard. De cela je n’en doutais plus depuis que je l’avais vu découper son propre corps avant d’en dissoudre les morceaux dans un bain d’acide.</p>"],
["<p></p><p class='chapitre'>Acte II</p><p></p><p>La rencontre lui fut facile. Nul autre ne la connaissait mieux que lui. Il savait qu’elle avait l’habitude de visiter cette galerie d’art, juste afin de se nourrir de l’émotion de cette toile. Elle finirait par venir. Il le savait.</p><p></p><p class='separateurs'></p><p></p><p>— Voilà un homme qui mieux que quiconque sait faire de l’indécence le plus sublime des spectacles.<br>— Je n’ai jamais rien contemplé de plus prodigieux, répondit-elle à l’inconnu. Je le connais. Il est presque aussi beau que ses toiles. Je lui prêterais volontiers mon corps, qu’il le couche ainsi sur une pièce de lin.<br>— Un modèle tyrannique ! Elle ne le laissera jamais croquer une autre femme.<br>— Tu la connais ?<br>— Non, lui seulement. Je l’ai rencontré lors de son premier vernissage. Je laissais traîner mes doigts sur ses toiles, afin de sentir le jeu de ses matières. Cela lui plut. Nous avons vite laissé le verbiage environnant ainsi que le champagne pour échanger nos passions artistiques devant un verre de vin…</p><p>C’était ainsi que Job avait réellement rencontré le Peintre. A ceci près qu’il n’avait pas touché ses toiles ce soir là. Ce n’était que devant le verre de vin que le Peintre lui avait confié son désir de voir ses admirateurs caresser ses œuvres.</p><p>La proie était désormais à sa merci. Il connaissait toutes ses passions, tous ces désirs. Il pouvait à chaque instant choisir les mots qu’elle désirerait entendre, avoir le geste qui la toucherait.<br>La laisser se sentir libre devant le tableau. Il savait ne pas devoir se faire trop envahissant. Je me souviens lui avoir dit un jour, au cours d’une de nos expériences, que seul l’échec était vecteur de connaissance. Avec elle, il avait beaucoup appris.</p><p>— Bonne journée, damoiselle…</p><p>Elle prit ses mots pour lui rendre un simple sourire. Celui qu’arborait Job était empreint de malignité. Elle serait sienne. Son esprit paraphrénique n’accordait plus la moindre place au doute.</p>"],
["<p class='separateurs'></p><p></p><p>Arthur Perdh était à l’abri du besoin. Depuis la mort de ses parents, il employait son temps à lapider son héritage trop lourd en usant guêtres et santé contre le bois patiné des comptoirs alcooliques. Un appétit éthylique qui l’avait conduit, un soir, à sa fin.</p><p>Job ne trouva dans la boite à lettres de Perdh que factures et prospectus. Visiblement, il n’avait manqué à personne.</p><p>Il consacra dès lors toutes ses journées à connaître l’homme qu’il était désormais. La tâche lui fut relativement aisée lorsqu’il mit la main sur une petite malle contenant tout ce qu’une mère avait pu rassembler d’objets, de lettres et autres paperasses concernant son fils.</p><p></p><p class='separateurs'></p><p></p><p>Lorsque Justine vint une fois de plus rassasier son regard, le tableau avait disparu. Elle détestait les acheteurs qui venaient lui voler ses toiles. Elle aurait aimé être assez riche pour les acheter toutes. Au moins l’une d’entre elles.</p><p>Les nouvelles œuvres du Peintre étaient bien sûr sublimes, mais l’autre…</p><p>Elle quitta la galerie empreinte de vide.</p><p></p><p class='separateurs'></p><p></p><p>Job contemplait l’œuvre, l’esquisse de son dessein machiavélique. Il avait usé de sa nouvelle fortune afin d’acquérir ce qu’il savait être l’instrument de sa victoire future. Il pourrait ainsi satisfaire l’un des rares désirs de Justine.</p><p></p><p class='right'><i>(Fin de l'extrait)</i>"],
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